Politique

Sénégal : la demande de Khalifa Sall de suspendre la présidentielle est écartée par la Cour de la Cedeao

La Cour de justice de la Cedeao a rejeté la demande de « mesures provisoires » déposée par les avocats de Khalifa Sall. L’instance statuera le 20 février, quatre jours avant le scrutin, sur son droit – ou non – à briguer le fauteuil présidentiel. Le même jour, la Cour jugera la requête de Karim Wade portant sur son inscription sur les listes électorales.

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Par - à Dakar
Mis à jour le 8 février 2019 à 17:10

Khalifa Sall, en octobre 2014 à Dakar. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

La Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui siège à Abuja, a rejeté ce vendredi 8 février la demande de mesures provisoires déposées par les avocats de Khalifa Sall le 16 janvier dernier et portant sur sa possibilité de participer ou non au scrutin présidentiel du 24 février.

Ni report, ni suspension de l’élection

Les avocats du maire de Dakar réclamaient que la Cour prononce une suspension du processus électoral en cours au Sénégal et un report de l’élection présidentielle du 24 février, dans l’attente de son jugement sur le fond – à savoir la plainte pour violation de son droit d’être électeur et éligible à la présidentielle. La Cour a estimé que ces mesures provisoires réclamées par la défense étaient « identiques aux demandes substantielles », indique un avocat de Khalifa Sall, c’est pourquoi elle l’a débouté de sa demande.

L’ex-maire de Dakar sera fixé sur son sort le 20 février, date à laquelle la Cour d’Abuja doit se prononcer sur le fond et confirmer ou non son droit de briguer le fauteuil présidentiel. La candidature de Khalifa Sall a en effet été rejetée par le Conseil constitutionnel au motif de sa condamnation à cinq ans de prison.


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Dans le camps de l’ancien édile, cette condamnation est qualifiée de « non-définitive » et les partisans de l’ancien maire de Dakar jugent qu’elle ne devrait donc pas l’empêcher de concourir à la présidentielle. Ses avocats ont d’ailleurs déposé un rabat d’arrêt suspensif devant la Cour suprême sénégalaise ce vendredi.

Encore des espoirs chez les partisans de Khalifa Sall

Bien que déboutés, les proches de Khalifa Sall tâchent de faire bonne figure. « Les motivations du juge communautaire portent sur le fait que l’examen de ces demandes provisoires peuvent préjuger du fond. Ce rejet est donc à prendre comme une décision de différer l’examen de la requête de Khalifa Sall, ce n’est en rien un camouflet », affirme ainsi son ex-directeur de cabinet, Babacar Thioye Ba.

« Il faut retenir que Khalifa Sall a été débouté sur les mesures provisoires. Le fond sera tranché ultérieurement. Ce fut le cas d’ailleurs lors de la première requête. Et la Cour avait donné raison à Khalifa lors de la séance du 28 juin. Donc, le débat sur le fond continue et sera tranché le 20 février », a ajouté son conseiller politique Moussa Taye devant la presse.

Ses avocats avaient déposé une requête auprès de la Cour de Justice de la Cédéao, considérant que les droits de leur clients avaient été bafoués. Leur demande de mesures provisoires avait déjà été déboutée, mais la Cour régionale leur avait donné raison sur le fond, jugeant que la présomption d’innocence de Khalifa Sall n’avait pas été respectée, qu’il avait été victime de détention arbitraire et que son droit à un procès équitable avait été violé.

La justice communautaire met la pression sur l’élection

C’est donc à Abuja, le 20 février, que se jouera l’épilogue des deux feuilletons judiciaires les plus médiatisés du Sénégal. Celui de l’édile de Dakar déchu, mais aussi celui Karim Wade. Le fils de l’ancien président Abdoulaye Wade a introduit un recours afin de faire valider son inscription sur les listes électorales, condition sine qua none pour se porter candidat à la magistrature suprême.


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La Cour de la Cédéao, qui a reçu la requête en accéléré le 6 novembre, s’est jugée compétente, rejetant ainsi l’exception d’irrecevabilité et d’incompétence de l’État du Sénégal. Les avocats de Karim Wade saluent « une victoire d’étape », en attendant les plaidoiries sur le fond, elles-aussi le 20 février.

Si la Cour estime que les droits de Karim Wade ou de Khalifa Sall ont été violés, l’issue du scrutin n’aura plus aucune valeur !

Deux ultimes rebondissements qui surviendraient à quatre jours du premier tour de l’élection, prévu le dimanche 24 février. « L’issue de ces deux requêtes aura forcément un impact sur la procédure électorale », estime Babacar Thioye Ba. « Si la Cour estime que les droits de Karim Wade ou de Khalifa Sall ont été violés, l’issue du scrutin n’aura plus aucune valeur ! »

Si la date du 20 février peut être interprétée comme une pression sur l’élection sénégalaise de la part de la Cour de Justice de la Cedeao, difficile de croire pour autant qu’elle changera l’issue du scrutin ou pourra entraver son déroulement. L’État du Sénégal ayant fait valoir jusqu’ici la souveraineté de sa justice.