Les temps modernes

Comment ceux qui ont construit le pays depuis l’indépendance l’ont préparé aux réalités du XXIe siècle.

Publié le 26 mars 2007 Lecture : 4 minutes.

Quartier résidentiel d’El Manar à Tunis, au mois de mars. Des amis, pour la plupart quinquagénaires, évoquent le passé. Rares sont ceux qui ne sont pas issus des milieux pauvres ou de la classe moyenne. Mais tous ont eu la chance d’aller à l’école puis à l’université, et cela à la faveur de la démocratisation de l’éducation. Ils ont ensuite trouvé un travail. Un diplômé, il y a vingt ans, était quasiment assuré de décrocher un emploi. En quelques jours seulement. Ceux qui ont décidé de se lancer dans les affaires ont réussi. C’était l’époque du crédit facile par un système bancaire majoritairement public. Ceux qui aimaient le confort l’ont acquis : une villa et des voitures parce qu’il ne faut pas oublier l’épouse et les enfants étudiants. Bref, la réussite sociale. Aujourd’hui, ils ne se soucient que d’une chose : l’avenir de leur progéniture. « Mon fils a terminé ses études à HEC [Hautes études commerciales] en France, déclare un chef d’entreprise. Et il a été engagé par un cabinet d’experts de renommée internationale à Londres. Sa sur est ingénieur en informatique et elle est maintenant à la tête d’une start-up. » « Ma fille, lance un haut fonctionnaire, a terminé ses études d’ingénieur en Allemagne, où elle est en stage dans un groupe industriel. »
Mais tout n’est pas rose en Tunisie. Le démantèlement, fin décembre, début janvier, d’un groupe de jeunes salafistes, prônant un retour à l’islam des origines, a laissé des traces dans le pays. L’un des plus modernistes du monde arabo-musulman. Pour Leïla Ben Ali, l’épouse du président de la République, il est nécessaire que les familles encadrent davantage leurs enfants. À l’occasion des célébrations de la Journée de la femme, le 8 mars, la première dame est montée au créneau affirmant que l’ascension des femmes aux plus hautes responsabilités est l’un des facteurs clés de la modernité (voir p. 67). La modernisation est en marche
Outre les nombreux exemples de réussite sociale, le pays peut s’enorgueillir de sa réussite technologique. En novembre 2005, Tunis accueillait le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI). Un rendez-vous international qui a déjà porté ses fruits. Début mars, Mark de Simone, vice-président Afrique et Moyen-Orient de Cisco Systems, était en visite en Tunisie. Leader mondial des systèmes réseau pour l’Internet, l’entreprise américaine a choisi le pays pour développer un partenariat avec One Tech, une compagnie tunisienne d’envergure internationale. À sa tête, Moncef Sellami, un banquier devenu fabricant de câbles électriques. Désireux de se lancer dans les technologies de l’information et de la communication (TIC), il se spécialise dans les circuits imprimés. Fait rarissime, en octobre 2006, One Tech, une entreprise du Sud, rachète 50 % du capital de Fuba, leader européen des circuits imprimés. Slim Sellami, qui seconde son père, accède à la présidence de son conseil d’administration. Le partenariat avec Cisco entre dans la stratégie de déploiement international de One Tech. Après plus d’un an de négociations, Cisco Systems et One Tech s’apprêtent à lancer un centre de compétences numériques à vocation régionale (Afrique, Moyen-Orient et même Europe) dont le but est d’investir dans les ressources humaines susceptibles de répondre aux besoins du développement des TIC. « Après une période d’essais, après avoir analysé nos capacités en matière de technologies de pointe, Cisco Systems s’est rendu compte que nous étions les meilleurs », déclare Slim Sellami.
En Tunisie, les TIC ont contribué pour 8 % au produit intérieur brut (PIB) en 2006. Les progrès réalisés dans ce secteur sont attestés par le dernier classement du Forum de Davos, plaçant la Tunisie au 30e rang mondial en matière de compétitivité et à la 36e place des pays classés selon leur degré de préparation à l’utilisation des TIC.
L’ouverture sur le monde et l’attractivité du pays aux investissements directs étrangers (IDE) ont permis au secteur des industries électriques et électroniques de faire des merveilles et de devenir l’un des piliers de l’économie, avec une valeur ajoutée bien plus importante que celle du textile. Les entreprises tunisiennes ont acquis une maîtrise des technologies et un savoir-faire tels qu’elles fabriquent désormais des composants destinés aux grandes et moyennes séries de l’industrie électronique européenne. Elles sont parmi les dix premiers fournisseurs de faisceaux de câbles de l’Union européenne. Cinq sociétés étrangères, Anjou Électronique, Latécoère, Groupe Safran, Zodiac et Eurocast y fabriquent des pièces et composants pour le secteur aéronautique. L’aptitude croissante des techniciens tunisiens à maîtriser les processus complexes de production a permis à la Tunisie d’atteindre un nouveau palier dans la chaîne des valeurs.
Autant de success stories qui résultent avant tout de la priorité accordée depuis un demi-siècle à l’éducation, notamment dans les disciplines scientifiques et technologiques. Actuellement, un étudiant sur dix poursuit une formation en informatique. Le 8 mars, Mohamed Ghannouchi, Premier ministre, a mis l’accent sur « la place privilégiée de la Tunisie dans le monde en termes d’investissement dans l’enseignement et la formation », précisant que les dépenses de l’État consacrées à ce secteur ont atteint près de 7,5 % du PIB, ce qui représente, estime le chef du gouvernement, « l’un des taux les plus élevés au monde ».

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