
Joseph Kabila, président de la RDC, à la tribune des Nations unies le 23 septembre 2017. © Craig Ruttle/AP/SIPA
« Circulez, il n’y a rien à voir »: c’est le message de Kinshasa à ses partenaires occidentaux et aux Nations unies présentes sur place depuis vingt ans, à l’occasion des élections en République démocratique du Congo prévues le 23 décembre.
Au nom de sa « souveraineté nationale », Kinshasa refuse toute aide logistique et financière de la communauté internationale et toute mission d’observation électorale venue de l’Occident.
Le pouvoir congolais affirme pouvoir se passer des avions et des hélicoptères de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco) pour transporter le matériel électoral aux quatre coins d’un pays-continent (2,3 millions de km2, neuf frontières) qui ne possède que 3400 kilomètres de réseau routier asphalté.
« Tout simplement parce que nous ne sommes pas des mendiants. Le Congo, certes, a des problèmes, mais c’est aussi un pays d’hommes et de femmes dignes », a déclaré le président Joseph Kabila au quotidien belge Le Soir.
« Le coût de la dignité »
Dans ce pays grand comme plus de quatre fois la France et 80 fois la Belgique, le coût des trois scrutins présidentiel, législatifs et provinciaux est estimé à 500 millions de dollars, soit 10% du budget annuel de l’Etat. Le coût de la « dignité », répète Kinshasa.
Le pouvoir congolais refuse toute mission d’observation électorale venue des Etats-Unis ou de l’Union européenne (UE). Seuls quelque centaines d’observateurs africains sont annoncés pour observer le déroulement du vote dans 80 000 bureaux de vote ouverts aux 40 millions d’électeurs enregistrés.
Guère convaincu, le candidat d’opposition Martin Fayulu a cette semaine multiplié les appels à la « communauté internationale » après les tirs à balles réelles autour de ses déplacements électoraux qui ont fait au moins quatre morts selon plusieurs sources.
Les Etats-Unis se désinvestissent
Les Nations unies sont priées par Kinshasa de rester à l’écart alors que l’ONU entretient en RDC une de ses missions les plus importantes au monde depuis 1999.
Au cours de ces douze derniers mois, 27 Casques bleus sont morts en RDC, indique la Monusco à Kinshasa.
Dans le même temps, Kinshasa a multiplié les camouflets envers la Monusco, dont le président Kabila a publiquement mis en cause l’efficacité contre les groupes armés dans l’Est en début d’année. En mars, Kinshasa a demandé le départ de la Monusco d’ici 2020. Puis en juillet, le pouvoir congolais a fait comprendre au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qu’il n’était pas le bienvenu à Kinshasa où il voulait se rendre, faute de disponibilité du président Joseph Kabila.
En novembre, des documents publiés par plusieurs médias ont révélé toutes les difficultés de l’enquête sur l’assassinat de deux experts onusiens au Kasaï le 12 mars 2017.
A New York, la Chine et la Russie s’accommodent parfaitement du discours souverainiste de Kinshasa, indique une source diplomatique au siège des Nations unies. Les autres membres du Conseil de sécurité (France, Etats-Unis, Grande-Bretagne) n’ont pas réagi, ajoute cette source.
Les Etats-Unis sont bien moins investis dans le dossier congolais depuis la démission de leur ambassadrice auprès des Nations unies Nikki Haley. En octobre 2017, Haley était venue à Kinshasa pour accélérer la publication d’un calendrier électoral qui tardait à venir après un premier report des élections.
Samedi, le Département d’Etat a demandé aux membres non-essentiels de son ambassade à Kinshasa de quitter la RDC à une semaine du scrutin. Washington a aussi interdit aux Américains de se rendre dans l’Est en proie au groupes armés.
Paris manoeuvre
Traditionnelle rédactrice des projets de résolution annuelle sur la RDC, la France affirme qu’elle se retrouve en première ligne. « La France est un des seuls pays qui a la capacité de parler encore non seulement avec les autorités congolaises mais aussi avec l’opposition. On essaie de faire converger tout le monde vers un processus électoral le plus satisfaisant possible », avance l’Elysée.
Le retrait du président Kabila, qui a accepté de ne pas briguer un troisième mandat interdit par la Constitution, est « loin de résoudre l’ensemble de la crise », ajoute-t-on.
« Il est vrai que ce processus est menacé. Personne ne peut dire aujourd’hui ce qui se passera au lendemain des élections, mais le président Macron et ses ministres sont parmi les plus actifs pour parler à tout le monde en RDC », promet Paris.
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