Malgré les mises en garde du gouvernement congolais, l’Union européenne n’a pas fléchi. Le 10 décembre, son Conseil « a prolongé les mesures restrictives actuellement en place contre la RDC jusqu’au 12 décembre 2019 ». Il s’agit des sanctions individuelles – gel des avoirs et interdiction de visa pour l’UE – qui frappent depuis décembre 2016 et mai 2017 quatorze proches du président Joseph Kabila.
Dans le lot de ces personnalités congolaises sous sanctions se trouve Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat de la coalition au pouvoir pour la présidentielle du 23 décembre. Il lui est reproché des « entraves au processus électoral » en cours et des « violations des droits de l’homme » lorsqu’il était vice-Premier ministre et ministre en charge de l’Intérieur.
Cette décision risque de mettre de l’huile sur le feu en RDC », selon Jean-Claude Mokeni
Une « décision injuste »
Un camouflet pour Kinshasa ? « Non, ce n’en est pas un », répond Jean-Claude Mokeni, rapporteur de la cellule diplomatique au sein de l’équipe de campagne de Ramazani Shadary et président de la commission des Affaires étrangères au Sénat congolais.
« Nous ne pouvons que dénoncer cette décision injuste de l’UE qui risque de mettre de l’huile sur le feu en RDC. Car l’opposition commence déjà à s’en prévaloir pour tenter de discréditer notre candidat, faisant ainsi de l’UE juge et partie », regrette le sénateur. Ce dernier souligne toutefois que « l’UE a dû en dernière minute inclure une clause de rendez-vous » dans sa décision.
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Quid de la « clause de rendez-vous » ?
« Le Conseil [de l’UE] réexaminera à nouveau les mesures restrictives compte tenu des élections en RDC et se tient prêt à les adapter en conséquence », peut-on lire dans le communiqué de presse de l’UE. « Nous le savions déjà : si notre candidat [Emmanuel Ramazani Shadary] remporte ce scrutin, ces sanctions seront forcément levées », commente le sénateur Jean-Claude Mokeni, qui n’hésite néanmoins pas à considérer ce renouvellement de sanctions de « grave entrave à l’exercice démocratique du pouvoir et [au] processus électoral en cours ».
La décision du conseil européen de reconduite des sanctions est une grave entrave à l’exercice Démocratique du pouvoir et le processus électoral en cours en #RDC , qui sera sanctionné par la 1 ère passation pacifique du pouvoir depuis l’indépendance du Congo @BartOuvry @FCC_RDC
— Mokeni Ataningamu (@jcmokeni) December 10, 2018
Du côté des sources occidentales à Kinshasa, cette « clause de rendez-vous » met surtout l’accent sur le bon déroulement du scrutin et non sur la personne. « L’ajustement de la décision se fera après les élections en fonction de la manière dont ces scrutins se dérouleront », prévient un diplomate occidental basé dans la capitale congolaise.
Le calendrier électoral congolais prévoit la publication des résultats définitifs de la présidentielle le 11 janvier, soit 10 jours avant la tenue à Bruxelles d’un sommet Union africaine – UE. « La question des sanctions contre les personnalités congolaises pourrait être rediscutée à ce moment-là. D’autant que l’UA plaide déjà en faveur de leur retrait », veut croire Jean-Claude Mokeni.
Barnabé Kikaya Bin Karubi, le conseiller diplomatique du président Joseph Kabila, se fait quant à lui plus menaçant : « Nous allons revoir de fond en comble notre relation avec l’UE. Si notre candidat l’emporte, comment leurs ambassadeurs pourraient-ils venir se faire accréditer auprès d’un président qu’ils ont sanctionné ? ».