Société

Sénégal : Karim Wade saisit la Cour de justice de la Cedeao pour pouvoir être candidat

Le candidat officiel du PDS à la présidentielle est dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de la Cedeao qui pourrait intervenir dans les prochaines semaines. Il entend faire reconnaître son droit, contesté par le gouvernement sénégalais, de s’inscrire sur les listes électorales afin de se porter candidat.

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Par - à Dakar
Mis à jour le 20 janvier 2019 à 21:23

Karim Wade, candidat officiel du PDS à la présidentielle de février 2019. © STR/AP/Sipa

Pour Karim Wade, c’est la procédure de la dernière chance. Le 6 novembre, les avocats du candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition) ont introduit une requête auprès de la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Ils estiment en effet que le Sénégal n’a pas respecté ses engagements internationaux en l’empêchant de se porter candidat à la présidentielle du 24 février 2019.

Au cœur du litige, l’inscription du fils de l’ancien président Abdoulaye Wade sur les listes électorales, effectuée par l’intéressé au Koweït en avril dernier. Le 2 juillet suivant, le ministère sénégalais de l’Intérieur rejetait cette inscription au motif de la condamnation de Karim Wade à six années de prison pour enrichissement illicite, en 2015.

Une condition sine qua non pour se présenter

Le ministère avait alors invoqué les dispositions de l’article L31 du code électoral, selon lesquelles toute personne condamnée à une peine plus de cinq ans de prison se voit priver du droit de figurer sur les listes électorales. Or, depuis la révision constitutionnelle adoptée en avril par l’Assemblée nationale, l’inscription sur les listes électorales est une condition sine qua non pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle.

La procédure qu’il avait initiée à Dakar pour faire invalider la décision du ministère ayant été définitivement rejetée par la Cour suprême, Karim Wade ne dispose plus d’aucun recours devant les juridictions sénégalaises. C’est pourquoi le candidat du PDS, exilé à Doha depuis juin 2016, s’est tourné vers l’instance judiciaire communautaire.

Rétablissement de ses droits civiques

Ce n’est pas la première fois que Karim Meïssa Wade saisit cette juridiction. En février 2013, il avait bénéficié d’une décision qui désavouait l’État sénégalais sur plusieurs points relatifs à la procédure intentée contre lui devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI).

Mais cette fois la requête déposée début novembre devant la Cour d’Abuja porte sur son droit à voter et à se porter candidat. « La procédure vise avant tout sa radiation des listes électorales », confirme à Jeune Afrique Me Bassirou Ngom, l’un des avocats de l’État du Sénégal.

Il existe une cause légale qui empêche Karim Wade de s’inscrire sur les listes électorales

« Rien, ni dans la Constitution ni dans aucune autre loi, n’interdit à notre candidat de se présenter à la prochaine élection présidentielle, et encore moins un jugement prononcé par Macky Sall [celui de la CREI] qui viole l’ordre public international », avait déclaré, en juin, le Parti démocratique sénégalais.

Dans l’entourage de Karim Wade, on estime en outre que « seule une ordonnance du juge peut aboutir à une radiation des listes électorales, et non une simple décision administrative ». Une interprétation toutefois contestée par Me Bassirou Ngom, selon qui « tous les pays du monde prévoient des causes d’inéligibilité. Or, il existe une cause légale qui empêche  Karim Wade de s’inscrire sur les listes, c’est le code électoral sénégalais qui le dit », assure l’avocat de l’État.

Procédure accélérée

Pour voir sa candidature entérinée, en janvier 2019, par le Conseil constitutionnel, Karim Wade devra figurer sur le fichier électoral avant le 26 décembre, date limite de dépôt des candidatures. Pressé par le temps, l’ancien « ministre du Ciel et de la Terre » a donc introduit, via ses avocats, une procédure accélérée. Selon son entourage, la décision de la Cour de justice communautaire pourrait être rendue au cours des prochains jours. Contactés par Jeune Afrique, ses avocats n’ont pas souhaité s’exprimer sur une procédure en cours.

Une victoire judiciaire à Abuja ne signifierait pas pour autant que la candidature de Karim Wade lors du scrutin du 24 février irait de soi. Même si la Cour devait donner raison au candidat du PDS, Me Ngom considère que « la décision de la Cedeao n’est absolument pas contraignante pour l’État du Sénégal ».

Dernier espoir pour le principal parti d’opposition

Dans cette affaire sensible, Dakar a déjà invoqué à plusieurs reprises la souveraineté du Sénégal pour écarter toute perspective d’ingérence de la part d’une institution supranationale. Ce fut notamment le cas en 2015 et 2018, après que le Groupe de travail sur la détention arbitraire puis le Comité sur les droits de l’homme de l’ONU ont rendu successivement des avis favorables à Karim Wade.

Reste que les États membres, en vertu du Protocole régissant la création de la Cour, doivent en principe tirer les conséquences des décisions qu’elle rend : « Les États membres et les institutions de la Communauté sont tenus de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires de nature à assurer l’exécution de la décision de la Cour », stipule ainsi l’article 22.3.

Pour les partisans de celui qui s’est surnommé « le candidat du peuple », dont la date d’un éventuel retour à Dakar demeure un mystère jalousement gardé, ce recours constitue donc le dernier espoir de voir le principal parti d’opposition en situation d’affronter Macky Sall dans les urnes le 24 février.