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« Je me présente en tant que sage et choisis de ne soutenir ni l’un ni l’autre des deux candidats au deuxième tour. » Vendredi 30 novembre, Hery Rajaonarimampianina a choisi de s’exprimer via une vidéo, diffusée sur deux chaînes privées, pour livrer son message de l’entre-deux tours de la présidentielle. Dans une intervention de huit minutes, dans laquelle on le voit s’exprimer debout, à son domicile, « Hery » a reconnu des erreurs. « Je vous présente mes excuses si j’ai pu vous blesser », a-t-il notamment déclaré.
La déroute reconnue
Deux jours plus tôt, le président sortant a été définitivement éliminé de la course, avec un score de 8,82% au premier tour, selon les résultats définitifs. Le second tour, qui se tiendra le 19 décembre, verra un duel entre Andry Rajoelina (39,23%) et Marc Ravalomanana (35,35%).
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Après avoir demandé l’annulation du scrutin, « Hery » accepte donc désormais une déroute qu’il n’avait pas vu venir. « Il était dans le déni total », glisse un membre de son staff. « Depuis le sondage début octobre (dont l’interdiction avait fait polémique, ndlr) qui lui attribuait 4% d’intentions de vote, jusqu’aux derniers jours avant la proclamation des résultats, on se heurtait à un mur à chaque fois qu’on lui pointait des difficultés. »
Mais il n’est pas certain, aujourd’hui, que son refus de soutenir un des deux candidats encore en lice témoigne d’un plus grand pragmatisme. D’autant plus que l’existence de son parti, le HVM, se trouve menacée après son cuisant échec électoral.
Comment faire exister le HVM ?
« Hery laisse les gens voter pour l’un ou l’autre, il n’a pas prôné l’abstention, donc il ne rassemble pas son parti », analyse Toavina Ralambomahay, journaliste, auteur de Madagascar dans une crise interminable (L’Harmattan, 2011).
« Pour faire exister le HVM, Hery devra se placer comme chef de file de l’opposition, ou comme Premier Ministre. Car, comme tous les partis à Madagascar, le HVM tient beaucoup à son leader, faute d’idéologie de gauche ou de droite. » Une ultra personnalisation qui se retrouve jusque dans le nom même du parti : HVM signifie « Hery vaovao ho an’i Madagasikara », soit « Nouvelle Force pour Madagascar » ; avec « Hery » signifiant « force »…
Lors de son message vidéo, le président sortant n’a pas évoqué son avenir politique. Pas plus que les élections législatives, déterminantes, prévues au printemps 2019. Il aura, là-aussi, besoin de rassembler, alors que plusieurs membres du HVM seraient en phase d’apporter dès à présent leur soutien à l’un ou l’autre des finalistes à la présidentielle.
Mercato politique

Des électeurs malgaches dans un bureau de vote à Antananarivo, à Madagascar, mercredi 7 novembre 2018. © Kabir Dhanji/AP/SIPA
Lundi, Marc Ravalomanana a ainsi affirmé devant la presse que des ministres, des cadres et des maires HVM l’avaient déjà rejoint. Le lendemain, le parti de « Hery » a officiellement démenti un « rapprochement », mais certains membres admettaient l’existence de maires « dissidents ».
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« La majorité des maires et des parlementaires HVM est avec nous », affirme au contraire à Jeune Afrique Serge Zafimahova, coordinateur de la campagne de Marc Ravalomanana.
Les maires représentent un atout majeur, car sur les 1 693 communes de Madagascar, le HVM en tient environ les deux tiers. Ils pourraient mettre à disposition leur poids électoral, dans un pays où la figure du notable compte auprès de populations souvent peu instruites.
L’équipe d’Andry Rajoelina indique quant à elle que « plus de 700 maires HVM » les ont rejoint et que le candidat les a quasiment tous reçu à son QG. Des députés « poids lourds » et des « leaders » du HVM ont aussi apporté leur soutien, toujours selon le staff d’Andry Rajoelina. « Le HVM se vide », souffle un de ses conseillers.
C’est peut-être au milieu de ce mercato politique que la jeunesse et la composition du HVM révèlent leurs limites. Le HVM, à l’origine une association, s’est mué en parti politique en 2014 après les élections présidentielles de fin 2013. Lors de ce précédent scrutin, « Hery » avait reçu le soutien d’Andry Rajoelina et de son parti, le Mapar, avant de créer sa propre force politique.
Un dernier « bastion » au Sénat ?

Les bulletins de vote sont comptés à la fin d'une journée de vote à Antananarivo, Madagascar, mercredi 7 novembre 2018. © Kabir Dhanji/AP/SIPA
À l’Assemblée nationale, la majorité présidentielle HVM avait aggloméré des députés indépendants, du Mapar et du TIM de Marc Ravalomanana. Ces derniers jours, d’anciens membres de ces deux partis travaillaient en coulisse à un rapprochement avec leur précédente « famille » politique.
Néanmoins, il demeure un noyau dur de militants au sein du parti. Et, avec 55 sièges sur 63, le HVM reste très majoritaire au Sénat, où les prochaines élections n’auront pas lieu avant 2020. Une potentielle place forte pour les dernières forces de la formation, à moins que les sénateurs ne choisissent de briser les rangs après les présidentielles…
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En attendant, que deviennent les 8,82% de « Hery » ? Après le premier tour, seuls 3,88 points séparent les deux rivaux de la crise de 2009. A l’époque, Marc Ravalomanana avait perdu le pouvoir au profit d’Andry Rajoelina, sans passer par les urnes.
« L’électorat est très volatile à Madagascar. Il n’est pas possible de prédire à qui profite la neutralité de Hery parce que les citoyens n’appartiennent à aucune idéologie. Ce sera une histoire d’amitié ou d’inimitié personnelle entre les électeurs et le candidat », analyse Toavina Ralambomahay.
Dernière inconnue : les électeurs se déplaceront-ils ? En 2013, le taux de participation avait perdu plus de 10 points entre les deux tours, passant de 61,56% à 50,72%.