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La Constitution tunisienne permet au président de la République de diriger les conseils ministériels où sont traités des points relevant de ses prérogatives, notamment en matière de diplomatie et de sécurité. Depuis son investiture en 2015, Béji Caïd Essebsi n’a utilisé ce droit qu’une seule fois, pour faire passer une amnistie, contestée mais finalement votée en 2017, de certains fonctionnaires impliqués dans des faits de corruption sous le régime de Ben Ali. Aujourd’hui, il fait coup double en une seule séance. Au programme : une refonte de la loi portant sur l’état d’urgence, et l’adoption du projet de loi sur l’égalité successorale. Les deux textes seront soumis pour adoption à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
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Si le second sujet focalise toutes les attentions, la loi sur l’état d’urgence n’en est pas moins importante, puisque ce régime a été instauré et régulièrement reconduit depuis les attentats terroristes de mars 2015. Parmi les aménagements que souhaite apporter le président de la République : donner un rôle clé au Conseil de la sécurité nationale, qui sera systématiquement consulté pour la déclaration ou l’extension de l’état d’urgence, lui-même décliné en différentes catégories.
Afin de respecter la Constitution, les mesures liberticides seront revues, en mettant les décisions prises par le ministère de l’Intérieur sous contrôle de la justice, en la personne du procureur de la République. L’ARP est également intégrée dans la boucle pour information, mais n’a aucun pouvoir décisionnaire. Cette révision de la loi sera présentée devant la Chambre par le gouvernement – qui a toutefois émis des réserves quant aux garanties et au contrôle judiciaire, reportant ainsi son adoption.
La loi successorale revue pour contenter Ennahdha
Quant à l’égalité successorale, elle n’est plus une suggestion mais un projet de loi, qui a été redéfini suite aux débats engendrés par le rapport de la Commission des libertés individuelles et des égalités (Colibe), créée en août 2017 par Béji Caïd Essebsi. Le texte vise à mettre en adéquation les lois sur les libertés individuelles avec les principes inscrits dans la Constitution de 2014.
Soumis par la présidence à l’ARP avec un caractère prioritaire, il prévoit qu’une personne peut disposer, de son vivant, de ses biens comme elle l’entend, et donc décider d’un partage équitable entre tous ses héritiers, sans distinction ou application des règles de la charia, qui octroie aux femmes la moitié de la part des hommes. Si le légataire n’a laissé aucune consigne avant son décès, le principe de l’égalité sera appliqué.
Le projet n’en demeure pas moins avant-gardiste dans le monde arabe, soulignant l’ancrage dans la société tunisienne des mouvements réformistes
La formulation devrait contenter les islamistes d’Ennahdha, qui s’étaient prononcés contre ce projet – qui n’en demeure pas moins avant-gardiste dans le monde arabe, soulignant l’ancrage dans la société tunisienne des mouvements réformistes.
Le conseil ministériel présidé par Béji Caïd Essebsi a donc adopté cette nouvelle loi, qui sera transmise au Parlement pour être discutée en urgence et votée « dans les mois à venir », selon la porte-parole de la présidence, Saïda Garrache.