Amie Ndiaye Sow : « Je me positionne toujours comme un Manager et non comme une femme »

Son expertise et sa détermination font rayonner UBA Sénégal, Banque qu’elle dirige depuis 2013. Retour sur la carrière d’Amie Ndiaye Sow, figure incontournable de la finance sénégalaise.

AMIE NDIAYE SOW

AMIE NDIAYE SOW

Publié le 5 octobre 2017 Lecture : 6 minutes.

Depuis toujours, Amie Ndiaye Sow ne s’est jamais donnée de limites. Au son de sa voix, on entend la rigueur et la détermination qui l’animent et qui lui ont permis d’accéder aux plus hautes responsabilités. Titulaire d’une maîtrise en économie et d’un master en finance, banque et assurance, ainsi que d’un master en gestion des finances publiques à l’Université de Dakar, elle n’a pas eu un parcours professionnel classique.

Lors de la deuxième année de son cursus, celle qui a fait du scoutisme durant 15 ans a développé un vif esprit entrepreneurial, et a créé une société de bureautique informatique. La femme d’affaires en herbe connaît alors ses premières difficultés financières : l’obtention  d’une caution bancaire pour soumissionner à un marché ou l’impossibilité de trouver des financements longs pour accompagner son développement. Cette expérience à travers sa PME l’a préparée à la réalité bancaire et l’aide encore aujourd’hui.

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Avant d’être nommée à la tête de UBA Sénégal (filiale sénégalaise de United Bank of Africa), Amie Ndiaye Sow a exercé plusieurs fonctions au sein des banques : responsable  marketing, responsable de la gestion des risques, directrice clientèle privée et du réseau, directrice exécutif, directrice régionale pour le secteur public Zone UEMOA.

Elle a également forgé son expérience au Kenya en tant que directrice de la gestion des risques pour le compte du Fonds africain de garantie des Pme (AGF). Son expérience couvre plusieurs domaines d’intervention du secteur bancaire. Amie Ndiaye Sow terminera son cinquième exercice en décembre 2017 à UBA Sénégal,  qu’elle souhaite hisser au rang des meilleures banques du pays.

Quels sont vos défis quotidiens en tant que femme évoluant dans un secteur masculin ?

Le monde de la finance n’est pas un monde facile, surtout dans un marché aussi petit que le Sénégal. Il y a beaucoup de banques. Aujourd’hui, on en compte vingt-cinq pour une population de 14 millions d’habitants. Si je compare avec le Nigeria par exemple, on dénombre 25 banques pour 180 millions d’habitants. Nous avons une forte pression.

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Et en tant que femme, ce n’est pas simple dans le monde de la finance. Nous ne sommes pas nombreuses, mais pour moi ce n’est pas le genre qui importe en réalité. Ce qui est important, c’est d’avoir les compétences et le leadership nécessaires pour atteindre les objectifs définis.

Depuis que je suis à la tête de UBA Sénégal, nous sommes en progression constante en termes de résultats. En effet, nous avons réalisé une progression de plus de 70% du résultat avant impôt avec un taux de dégradation net du portefeuille de 1%. UBA Sénégal a sorti un résultat net de 5.690 milliards de FCFA en 2016 contre 5.095 milliards en 2015. Le total bilan est ressorti à 208 milliards de FCFA. Nous sommes passés du simple au double et les fonds propres ont été multipliés par trois. Aujourd’hui nous sommes dans le top 5 des banques du marché, en termes de profitabilité.

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Comment UBA Sénégal s’est-elle imposée dans ce monde financier ? Qu’avez-vous installé pour défier la concurrence ?

Il a fallu s’entourer d’une bonne équipe. Je ne travaille pas seule. Ensuite nous avons mis en place une stratégie pour pouvoir atteindre les objectifs. La stratégie n’est pas statique mais plutôt dynamique. Elle dépend du développement du marché et des événements nouveaux pour s’adapter avec souplesse et flexibilité aux besoins de la clientèle ainsi qu’aux exigences règlementaires.

Le Sénégal représente un marché où les taux de marge sont très faibles. Nous avons donc dû, dans un premier temps, diversifier nos activités. Premièrement, nous avons développé notre activité dans le « digital banking ». Entre 2013 et aujourd’hui, nous avons pu nous positionner comme leader sur le segment des cartes prépayées. Par ailleurs nous avons pu développer des plateformes performantes et sécurisées pour nous positionner parmi les banques leaders du « digital banking ». C’est avec cela que nous avons pu signer des mandats avec plusieurs grands partenaires, contribuant ainsi au relèvement du taux de bancarisation.

« Je veux porter UBA parmi les premières banques au Sénégal »

Vous avez reçu en 2015 le prix  du meilleur manager féminin au Sénégal lors de la prestigieuse cérémonie des Cauris d’Or.

C’est important de travailler et de voir que son travail est reconnu. C’est motivant. Il est vrai que je me positionne toujours, non pas comme une femme, mais comme un manager.  Pour moi, le genre n’est pas le plus important ; c’est un débat que je n’aime pas mener. Souvent on parle de leadership féminin mais pas du leadership masculin. Jusqu’à preuve du contraire, quand je suis assise dans mon bureau avec des objectifs, ils ne sont ni masculins ni féminins.

Je suis allée à l’école, j’ai obtenu des diplômes de même valeur que ceux des hommes. Nous avons les mêmes objectifs. Homme ou femme, nous sommes managers et chacun doit mettre en place sa stratégie pour performer. Pour moi, c’est le plus important, et c’est avec cet état d’esprit que j’ai pu m’intégrer facilement partout où je suis passée.

J’aime travailler avec des jeunes gens dynamiques, compétents et voir que, nonobstant les difficultés du marché, nous arrivons à réaliser une progression qui nous vaut cette reconnaissance sur le marché. Je veux porter UBA parmi les premières banques au Sénégal et pour cela, nous sommes sur le bon chemin.

Quelles sont les qualités requises pour être à la tête de cette filiale sénégalaise et quels conseils donneriez-vous aux femmes qui souhaiteraient accéder à des fonctions à hautes responsabilités ?

Il faut avoir des compétences, évidemment, un fort leadership en tant que manager et il faut croire en soi : ne pas se mettre de limites, hormis celles que fixent l’éthique et la déontologie. Les anglophones ont souvent l’habitude de dire « the sky is the limit » (le ciel est la limite, ndlr), c’est un adage que je partage parfaitement.

Ensuite, il faut éviter de s’attarder sur les débats de genre. Le challenge existe comme partout ailleurs pour les femmes qui  se développent dans un monde dit masculin. Il ne faut pas s’arrêter à cela. C’est une sorte de stigmatisation que je refuse. Je me rappelle simplement que je gère une institution, des hommes, et que j’ai des objectifs. La seule question est « comment faire pour les atteindre ? ». C’est cela qui importe avant toute chose.

Qui sont vos rôles-modèles ?

Ma mère. Elle a toujours été mon modèle pour l’éducation qu’elle m’a donnée, pour l’exemple de courage et d’endurance qu’elle m’a toujours montré. Elle m’a toujours appris à garder ma dignité quelle que soit la situation et les circonstances. Elle m’a  inculqué que l’échec comme la réussite font partie de la vie et qu’il faut toujours relativiser en apprenant de ses échecs et considérer toute réussite comme un nouveau défi. C’est le meilleur conseil qu’on m’ait donné.

Vous êtes de nombreux leaders à croire en la jeunesse africaine. Quels(s) message(s) avez-vous envie de lui transmettre ?

La population Aaricaine est très jeune. L’avenir étant dans la jeunesse, on doit investir dans la formation de ces jeunes qui sont appelés à diriger nos pays et nos entreprises.

Les jeunes ont leur place. A eux de la prendre grâce à la formation, à la compétence et à l’audace. Je crois que nous avons énormément d’opportunités en Afrique et beaucoup de rôles-modèles. Ces exemples-là doivent servir aux jeunes pour pouvoir atteindre les sommets.

Nous avons certes beaucoup d’opportunités mais encore faudrait-il libérer les énergies et laisser agir plus de la moitié de la population, à savoir les femmes et les jeunes. Le futur de nos pays dépendra en bonne partie de la place qu’on leur accorde.

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