Présidentielle à Madagascar : après dépouillement de la moitié des suffrages, la tension monte

Près d’une semaine après le premier tour de l’élection présidentielle du mercredi 7 novembre, les équipes des trois candidats favoris s’opposent aux résultats encore partiels. Si personne n’a fait mention d’une future descente dans la rue, la tension monte.

Un officiel surveillant une urne le jour du vote, mercredi 7 novembre à Antananarivo. © Kabir Dhanji/AP/SIPA

Un officiel surveillant une urne le jour du vote, mercredi 7 novembre à Antananarivo. © Kabir Dhanji/AP/SIPA

Publié le 13 novembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Palais d’Iavoloha, Madagascar © Vzdalujicisekroky , CC BY-SA 3.0
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Présidentielle à Madagascar : la bataille des ex

Le scrutin présidentiel, dont le premier tour se déroule le 7 novembre, doit permettre d’enfin tourner la page de la crise ouverte en 2009. 36 candidats – dont les trois derniers chefs de l’État – s’y affrontent, dans une ambiance tendue.

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Dans les rues d’Antananarivo, les taxis beiges de la capitale malgache avancent péniblement – et lentement – sur les pavés, entre les ornières. Les conducteurs ont souvent rafistolé de vieilles 2CV défoncées ou des 4L qui touchent presque le sol. On se demande toujours si elles vont arriver à bon port.

La même question se pose aujourd’hui pour le processus électoral. Après le premier tour de l’élection présidentielle, mercredi 7 novembre, les équipes des trois candidats favoris s’opposent aux résultats encore partiels. Personne n’a fait mention d’une future descente dans la rue, mais la tension monte.

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Les chiffres des partis plus avancés

Au matin du 13 novembre, six jours après la clôture du vote, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) n’avait dépouillé que 56% des 24 582 bureaux de vote. Selon ces résultats provisoires, Andry Rajoelina arrive en tête avec 39,06%. Marc Ravalomanana est deuxième avec 36,53%, loin devant Hery Rajaonarimampianina (8%). Le taux de participation s’élevait à 53,56%.

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Mais les propres chiffres des trois candidats diffèrent de ces tendances. Ce sont leurs délégués présents dans les bureaux de vote qui ont fait remonter des exemplaires de procès-verbaux. Leurs équipes dans la capitale consolident ensuite les données. Et ils sont plus avancés que la Ceni.

Nos chiffres indiquent un résultat bien plus élevé que le comptage de la Ceni

« Nos chiffres indiquent un résultat bien plus élevé que le comptage de la Ceni », glisse un des conseillers d’Andry Rajoelina. Idem pour l’équipe de Marc Ravalomanana. Les deux camps ne cachent pas leur volonté de remporter l’élection dès le premier tour – soit obtenir plus de 50% des voix. L’équipe de Hery Rajaonarimampianina estime, elle, que la Ceni lui ampute pour l’instant près de la moitié des suffrages qu’elle a recensés.

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« Fraudes généralisées »

« Nous sommes victimes de corruption à grande échelle », s’indigne Andry Rakotobe, directeur de la communication du parti HVM du président sortant « Hery ». « Nos délégués nous ont fait état de fraudes généralisées. Nos électeurs dans les 22 régions nous écrivent aussi par milliers pour se plaindre. Par exemple, certains ont voté pour notre candidat, mais le procès-verbal ne comporte aucune voix pour lui. » L’équipe annonçait préparer une communication précise, « avec des preuves », sans donner davantage de précisions.

Jeudi 8 novembre, son équipe avait déjà publié un communiqué pour dénoncer de « nombreuses irrégularités ». Dimanche 11, ses lieutenants avaient aussi tenu une conférence de presse pour signifier leurs intentions de contester les résultats devant la Haute Cour constitutionnelle, chargée de trancher les contentieux électoraux. Ils ont enfin critiqué le manque de transparence de la Ceni.

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Le directeur de campagne de Marc Ravalomanana, Rabenja Tsehenoarisoa, les rejoint sur ce dernier point. Au matin du 12 novembre, il s’est rendu au siège de la Ceni pour demander les résultats, bureau de vote par bureau de vote. « C’est seulement ainsi que nous pourrons comparer avec nos chiffres », déclare-t-il à l’issue d’une réunion avec les cadres de l’institution. Vendredi 9, devant les journalistes, il avait accusé la Ceni et la radio-télévision nationale d’avoir touché de l’argent. Aujourd’hui, il joue l’apaisement : « Nous ne sommes pas venus parler de ça », répond-il, sans pour autant revenir sur ses précédentes déclarations.

Des résultats provisoires jeudi, selon la Ceni

« Nous leur donnerons ce qu’ils veulent après délibération », répond Thierry Rakotonarivo, vice-président de la Ceni. Questionné sur la possibilité de rendre public le détail des résultats par bureau de vote sur internet, il répond que le débit du site est trop faible. « Le résultat provisoire national sera disponible dans trois jours », promet-il. Derrière lui, ses équipes comparent les données déjà entrées dans le logiciel au niveau local, grâce à un scan des procès-verbaux. Un traitement lent, mais censé donner des chiffres fiables.

Une mission d’observation a relevé des anomalies sérieuses, mais qui ne remettent pas en question le processus électoral

Au delà des attaques de candidats, la mission d’observation électorale du KMF-Cnoe qui a couvert un tiers des bureaux de vote, a relevé des anomalies sérieuses, mais « qui ne remettent pas en question le processus électoral ». Sans donner une idée du nombre, l’association note que « des électeurs qui ont reçu leur carte électorale ne figurent pas dans la liste » ; « des électeurs figurent dans la liste électorale mais pas dans la liste d’émargement » ; ou encore « certains électeurs sont inscrits dans un bureau où ils ne sont pas censés voter ».

Quant à la mission d’observation de l’Union européenne, elle note dans son rapport préliminaire que 30% à 50% des membres de bureaux de vote ont connu des difficultés à remplir les procès-verbaux. Ce qui expliquerait peut-être une partie des anomalies relevées… Le document affirme aussi que les candidats Andry Rajoelina et Hery Rajaonarimampianina ont tous deux distribué de l’argent liquide à des partisans lors de meeting. Une pratique interdite par la loi. Les deux candidats s’entendent au moins sur ce point : ils démentent.

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