Présidentielle en RDC – Martin Fayulu : « Je suis l’expérience qui fait la différence »

Esquisse de son programme, machine à voter, fichier électoral… Quelques jours avant sa désignation comme candidat commun de l’opposition pour la présidentielle du 23 décembre en RDC, Martin Fayulu répondait aux questions de Jeune Afrique.

L’opposant Martin Fayulu, le 18 septembre 2016 à Kinshasa. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

L’opposant Martin Fayulu, le 18 septembre 2016 à Kinshasa. © Gwenn Dubourthoumieu pour JA

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Publié le 9 novembre 2018 Lecture : 5 minutes.

Des sept leaders de l’opposition congolaise regroupés au sein de ce que certains appellent déjà les « L7 », il est sans doute le plus actif sur le terrain. Ces dernières années, Martin Fayulu a en effet été de toutes les manifestations anti-Kabila dans la rue. Jusqu’à risquer de perdre la vie en septembre 2016, touché à la tête par une balle en caoutchouc.

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Revendiquant un « ancrage solide » de son parti, Engagement pour la citoyenneté et le développement (Ecidé), à travers le pays, cet homme d’affaires et ancien cadre d’ExxonMobil a été désigné dimanche 11 novembre candidat commun de l’opposition. Peu importe si le récent sondage du Groupe d’étude sur le Congo et du Bureau d’études, de recherches et de consulting international (Berci) ne l’a crédité que de quelque 8 % des suffrages. « Du n’importe quoi », balaie-t-il d’un revers de la main, remettant en cause le « sérieux » du travail réalisé.

Jeune Afrique : Quel est le fil rouge du projet de société que vous, en tant que candidat à la présidentielle, proposez aux Congolais ?

Martin Fayulu : Je porte une vision claire pour le pays. Je vais bâtir une nation libre et prospère qui offre au citoyen l’opportunité d’améliorer ses conditions de vie. C’est pourquoi j’ai nommé mon programme « Investir dans le citoyen pour développer la RDC ».

Pour y arriver, je mise sur six piliers : le social-libéralisme, une bonne citoyenneté, le pacte de développement, la gouvernance intègre, la réconciliation et la règle gagnant-gagnant.

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Avant vous, en 2006 et en 2011, beaucoup ont vendu monts et merveilles aux Congolais. Pourquoi doivent-ils vous faire confiance ?

Moi, je suis l’expérience qui fait la différence. Je me fixe toujours les objectifs ambitieux et, surtout, je sais les atteindre.

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Vous envisagez aussi des réformes constitutionnelles…

Je compte en effet proposer au Parlement ou à la population la modification de l’article 10 de la Constitution qui consacre aujourd’hui l’exclusivité de la nationalité congolaise. Je voudrais que la nationalité congolaise puisse être détenue concurremment avec une autre, excepté pour les ressortissants de neuf pays limitrophes de la RDC.

Pourquoi excluez-vous les ressortissants des pays voisins ?

Parce que nos compatriotes du Kivu m’ont dit qu’ils ne sont pas prêts à ce que des Rwandais et des Burundais détiennent notre nationalité. Et ce n’est pas réinventer la roue : on peut être Canadien et Français par exemple, mais on ne peut pas être Canadien et Américain.

L’ouverture de la nationalité que je propose vise avant tout nos compatriotes qui ont acquis des compétences à l’étranger

En fait, l’ouverture de la nationalité congolaise que je propose, vise avant tout nos compatriotes qui ont acquis des compétences à l’étranger et qui ont pris d’autres nationalités. Demain ils pourront ainsi revenir au pays et être considérés comme des nationaux, sans perdre leurs avantages dans leur pays d’adoption.

Vous faites partie de 21 candidats en lice pour la présidentielle du 23 décembre. N’est-ce pas trop de postulants pour un scrutin à un seul tour ?

En réalité, il y a d’un côté Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat du régime en place, et, de l’autre, quatre candidats de l’opposition : Freddy Matungulu, Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe et moi-même.

Insinuez-vous que les 16 autres ne seraient pas de l’opposition ?

La bonne question est : où étaient-ils depuis tous ce temps ?

Des élections doivent être crédibles, transparentes, inclusives et apaisées

Dans ces conditions, comment comptez-vous l’emporter le 23 décembre ?

Nous, nous aurons un candidat commun. En tout cas, nous, les sept leaders de l’opposition, sommes déterminés à parvenir à une candidature commune. On ne pouvait pas désigner ce candidat bien avant parce que ça aurait été dangereux. Chacun de nous est à la tête d’un groupe qui a aligné des candidats aux législatives et aux provinciales. Nous devons aussi les soutenir. Aussi devrions-nous d’abord écouter le peuple, l’intéresser.

Est-ce que la revendication des élections inclusives est toujours à l’ordre du jour ?

L’inclusivité dérive des mesures de décrispation politique. Des élections doivent être crédibles, transparentes, inclusives et apaisées. Mais Moïse Katumbi a été empêché de rentrer au pays pour déposer sa candidature et certains leaders ont été arbitrairement exclus. C’est notamment le cas de Jean-Pierre Bemba.

Ces dernières années, vous avez été très actif sur le terrain pour protester contre un éventuel troisième mandat de Joseph Kabila. Le fait que ce dernier ne se représente pas, conformément à la Constitution, est-ce aussi une victoire personnelle ?

Depuis 2013, j’ai commencé à me battre contre la présidence à vie en RDC, en initiant des campagnes de sensibilisation pour le respect de la Constitution. C’est une victoire personnelle, oui, mais c’est d’abord la victoire du peuple congolais.

Nous ne laisserons pas organiser des élections avec la machine à voter

Êtes-vous prêt à prendre part aux élections avec la machine à voter ?

Notre législation électorale interdit le vote électronique. Dans l’arrière-pays, des gens n’ont jamais vu d’écran tactile ni manipulé un smartphone. Comment vont-ils voter ? Par ailleurs, des experts de l’organisation britannique Westminster Foundation for democraty, bien qu’ils n’aient pu avoir l’accès total à ces machines, ont relevé plusieurs points qui laissent penser à un plan de tricherie.

Mais Corneille Nangaa, président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), maintient que les élections seront organisées, le 23 décembre, avec la machine à voter. Qu’allez-vous faire ?

Il faut dire à M. Corneille Nangaa qu’il n’est pas Dieu sur terre. Que les choses soient claires : nous ne laisserons pas organiser des élections avec la machine à voter et les 10 millions d’électeurs fictifs !

Joseph Kabila n’est même pas un enfant de la démocratie. Comment en serait-il le père ?

Comment résumeriez-vous en une phrase les 17 ans de règne de Joseph Kabila ?

Avec Kabila, la RDC est devenue la risée du monde.

Ses lieutenants disent pourtant qu’il est « le père de la démocratie congolaise ». Selon eux, Joseph Kabila « a dit » qu’il respecterait la Constitution et « il l’a fait ».

Joseph Kabila n’est même pas un enfant de la démocratie. Comment en serait-il le père ? Ce n’est pas par gaieté de cœur qu’il ne se représente. Il subit des pressions en interne et à l’extérieur. Des gens sont morts dans la rue parce qu’ils réclamaient le respect de la Constitution. Moi-même j’ai risqué la mort.

Pourquoi Martin Fayulu demain à la place de Joseph Kabila ?

Pour que le Congo redevienne un pays libre et prospère. Avec mon expérience et mon amour de la patrie, je peux réellement faire avancer les choses.

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