Présidentielle à Madagascar : un dernier week-end de meetings

Les trois favoris à la présidentielle malgache ont tenu meeting pour le dernier week-end de la campagne. L’occasion pour eux de vanter leurs mesures phares.

File d’attente au bureau de vote, lors de la présidentielle malgache de 2013 (Antananarivo). © Schalk van Zuydam/AP/SIPA

File d’attente au bureau de vote, lors de la présidentielle malgache de 2013 (Antananarivo). © Schalk van Zuydam/AP/SIPA

Publié le 4 novembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Palais d’Iavoloha, Madagascar © Vzdalujicisekroky , CC BY-SA 3.0
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Présidentielle à Madagascar : la bataille des ex

Le scrutin présidentiel, dont le premier tour se déroule le 7 novembre, doit permettre d’enfin tourner la page de la crise ouverte en 2009. 36 candidats – dont les trois derniers chefs de l’État – s’y affrontent, dans une ambiance tendue.

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Salle comble pour chacun des trois candidats favoris à l’élection présidentielle malgache, Marc Ravalomanana, Andry Rajoelina et Hery Rajaonarimampianina – ainsi que pour le Pasteur Mailhol -, samedi et dimanche 3 et 4 novembre à Antananarivo, où ils organisaient leur dernier meeting de campagne dans la capitale malgache, avant le scrutin du 7 novembre.

Samedi, Andry Rajoelina, soutenu par une ribambelle d’artistes, a rempli les 60 000 places du Coliseum d’Antsonjombe, un vaste espace en plein-air construit sous la transition politique qu’il dirigeait de 2009 à 2013. À la tribune, il a notamment annoncé la création d’une ville nouvelle, «Tana-Masaondro », destinée à donner un « nouveau visage » à la capitale. Deux jours plus tôt, lors d’une allocution plus solennelle, il avait résumé les 300 pages de son « Initiative pour l’émergence de Madagascar », mettant notamment l’accent sur l’insécurité et l’autosuffisance alimentaire, en particulier concernant le riz.

ANR-52 © Meeting d’Andry Rajoelina communication)

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Sécurité et pouvoir d’achat

Au même moment, Marc Ravalomanana haranguait ses partisans à l’autre bout de la ville, dans le stade Mahamasina (22 000 places), surplombé par les falaises de Tana et par le Palais de la Reine. Tout au long d’un discours de deux heures, le candidat a insisté sur son Manifesto, un corpus de dix mesures qu’il compte appliquer sans délai s’il est élu. Elles comprennent une meilleure sécurité, la construction de routes et le développement du système de santé. Le public est resté dense bien après le départ de son champion, dansant sur les tubes de sa campagne.

Dimanche, c’était au tour du président sortant Hery Rajaonarimampianina de faire vibrer le Coliseum. Pas de long discours, mais des paroles brèves, percutantes, entrecoupées de morceaux de zouk ou de ragga, entrecoupés par les « Merci Président ! » scandés par la fosse. « Pour cette fin de campagne, nous nous sommes concentrés sur les thèmes de l’insécurité et du pouvoir d’achat », explique l’un de ses collaborateurs. Dans certaines régions, notamment dans le Sud, les attaques de villages par des bandes armées volant les zébus ont poussé des habitants à fuir.

Hommes providentiels

Si « Hery » misait sur la sobriété, les trois autres protagonistes du week-end renvoient plutôt une image d’homme providentiel. C’est aussi le cas du pasteur Mailhol, issu de l’« Église des Chrétiens de l’Apocalypse ». Selon ses adeptes, l’homme bénéficie en outre d’une divine prophétie, censée lui assurer la victoire électorale.

« La pratique politique telle qu’elle est perceptible fait apparaître une forte personnalisation et patrimonialisation du pouvoir. (…) Nous assistons tant du côté des citoyens que de celui des dirigeants à une conception et à une relation de pouvoir s’apparentant à de relations parents-enfants, voire de monarque à sujets », explique Juvence Ramasy dans son étude sur la violence électorale à Madagascar, parue le 31 mai. Le chercheur s’appuie sur les exemples des anciens présidents Didier Ratsiraka, Albert Zafy et Marc Ravalomanana.

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D’autres candidats – ils sont 36 à briguer cette année la magistrature suprême – se sont montrés nettement moins visibles durant le week-end. Certains n’ont même rien organisé. La prétendante Saraha Rabeharisoa a même annoncé dans la semaine son retrait de la course pour soutenir Andry Rajoelina. D’autres se sont contentés de faire circuler leurs partisans en ville à bord de pick-up transformés en sono géantes (et grésillantes) pour l’occasion. Ces deux jours s’inscrivent ainsi dans la droite lignée du reste de la campagne. Seuls les trois favoris ont organisé de nombreux meetings et déplacement, souvent en hélicoptère, et toujours grâce à leurs importants moyens financiers. De l’avis de plusieurs observateurs, la campagne de la présidentielle de 2013 avait provoqué plus d’engouement chez les petits candidats.

>>> À LIRE : Présidentielle à Madagascar : une étude sur le budget des campagnes sème le trouble

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Risque de crise ?

Une vingtaine de candidats, dont l’ancien président Didier Ratsiraka et le Pasteur Mailhol, ont axé leurs messages sur la dénonciation de supposées fraudes électorales massives. Ils affirment notamment que la liste électorale contient des dizaines de milliers de doublons, et que le territoire est truffé de bureaux de vote fictifs. Les institutions électorales, le gouvernement et tous les partenaires internationaux, dont les missions d’observations, jugent, à l’inverse, que le processus est tout à fait fiable. Le haut représentant de l’Union africaine, Ramtane Lamamra, l’a même qualifié d’« exemplaire », le 30 octobre.

Ces candidats contestataires ont déjà évoqué tout au long de la campagne, à demi-mot, leur refus des résultats. Ce qui pourrait laisser présager d’une crise post-électorale, comme en a connu Madagascar en 2002, à la suite d’un premier tour contesté entre Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana. D’autant que d’autres faits passés restent bien proches. Durant un débat télévisé, samedi soir, Marc Ravalomanana a de nouveau accusé Andry Rajoelina de lui avoir ravi le pouvoir par un coup d’État en 2009.

La population tremble déjà à l’idée d’une nouvelle crise et d’une nouvelle dépression, dans le 5e pays le plus pauvre du monde en termes de PIB par habitant, alors que la croissance devrait atteindre 5 % en 2018. Mais certains, comme ce militant au meeting de Marc Ravalomanana, restent accrochés à leur idéal de sauveur : « Si “Raval” perd, je suis prêt à descendre au “13 mai”». Du nom d’une place de la capitale où ont débuté toutes les crises.

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