
Une vue de Molyko, l'une des principales artères de la ville de Buea, le 7 octobre 2018, jour de l'élection présidentielle. © Franck Foute pour Jeune Afrique
Arpentant des rues désertes, très peu d’électeurs se sont déplacés vers les centres de vote de la ville de Buea ce dimanche 7 octobre. À quelques heures de la clôture des bureaux de vote, les tendances indiquent un taux d’abstention considérable.
L’affluence a été faible dans les bureaux de vote de Buea, capitale de la région anglophone du Sud-Ouest. Le taux de participation à la fin de ce scrutin devrait être extrêmement bas, malgré l’énorme dispositif sécuritaire qui y a été déployé pour garantir la sécurité de tous les acteurs du processus électoral et pour amener les électeurs à surmonter « la peur » qui règne dans la ville.
Des électeurs confus
Pour beaucoup, il a fallu parcourir de longues distances à pied pour rejoindre l’un des 24 centres de vote créés par Elecam, l’organisme en charge d’organiser les élections. À « COIC school », dans le quartier Great Soppo, non loin du centre administratif de la ville, une douzaine de militaires armés jusqu’aux dents gardent les neuf bureaux de vote, où les électeurs sont fouillés minutieusement.

Un bureau de vote à Great Soppo dans la ville de Buea, le 7 octobre 2018, jour de l'élection présidentielle. © Franck Foute pour Jeune Afrique
Une dizaine d’entre eux déambulent dans la cour, à la recherche de leur bureau. Francis Ndikum* ne décolère pas. Il dénonce une mauvaise organisation du scrutin. « Ils [Elecam] ont créé des centres de vote mais ils ne nous ont pas informé de leur répartition. Je ne sais pas où je dois me rendre. Certains me parlent de ‘Upper mokongo’, d’autres me disent d’aller voir à l’école publique de ‘Great soppo’, ce n’est pas normal », explique-t-il.
À 12 heures (heure locale), de nombreux électeurs n’avaient toujours pas trouvé leur bureau de vote, plusieurs d’entre eux ayant été déplacés pour contrer l’appel au boycott et les menaces d’attaque proférées par les sécessionnistes. Les électeurs accusent Elecam de n’avoir pas suffisamment communiqué sur les nouvelles dispositions. « Nous avons diffusé des spots à la radio, la liste des centres de vote est disponible depuis plusieurs jours : Elecam a fait le nécessaire », assure à Jeune Afrique l’un des cadres de la représentation régionale de cette institution.
Attaque à Muea
Sur le terrain, cependant, les électeurs se font rares. À la mi-journée, seules 10 personnes sur 330 avaient voté à « CBC Soppo Center A ». Du côté du bureau « Semil B », ils étaient 7 sur 345 et quelque 15 autres à « Community Hall Wonya ».
Les menaces des sécessionnistes semblent avoir été prises au sérieux, surtout après l’annonce, dans la matinée, d’une attaque sur un convoi de journalistes au quartier Muea, l’un des bastions des milices de « l’Ambazonie ».
À Bamenda, dans la région anglophone du Nord-Ouest du Cameroun, trois hommes armés qui tiraient sur des passants ont également été abattus par les forces de l’ordre dimanche, selon une information de l’AFP.
« Ils [les sécessionnistes] sont partout, vous pouvez les croiser dans la rue sans savoir qui ils sont. Ils ont promis des représailles contre ceux qui votent, je préfère ne pas prendre de risque », affirme un habitant de Buea.
La participation à l’élection présidentielle à Buea est semblable au déroulement de la campagne dans cette ville du Sud-Ouest. En quinze jours, aucun candidat n’y a battu campagne. Les affiches des prétendants à la magistrature suprême sont rares, mêmes celles du président sortant, pourtant omniprésentes dans les autres villes du Cameroun. « Nous avons été mis à l’écart de cette élection. Les candidats ont fait le tour du pays, personne n’est venu chez nous. La ville est militarisée », confie un journaliste local.
Dans certains bureaux de vote, les scrutateurs des partis d’opposition, qui ont pourtant fait de la « surveillance de l’élection » leur credo, manquent à l’appel. La « guerre » promise le jour de la présidentielle par les militants sécessionnistes n’a peut-être pas eu lieu, mais elle aura contribué au fort taux d’abstention à ce scrutin. Une participation déjà plombée par l’exode massif des populations qui a précédé la tenue du vote.
Le conflit dans le Sud-Ouest a entraîné le déplacement de plus de 246 000 personnes, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Un chiffre considérable quand on sait que les personnes inscrites sur les listes électorales dans cette région avoisinent les 371 000.
*Le nom a été modifié à la demande de l’intéressé.
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