À fin juin 2018, les recettes recouvrées par l’administration fiscale béninoise s’établissent à plus de 495 milliards de francs CFA (755 millions d’euros) soit un taux de réalisation de 111,3 % par rapport à la prévision semestrielle, qui faisait état de 445 milliards. Cette somme correspond en outre à 50,5 % des prévisions de l’année.
En 2017 déjà, le pays a atteint ses objectifs de rendement budgétaire avec un dépassement de plus de 44 milliards de francs CFA par rapport à 2016. Une embellie due aux réformes engagées et à la détermination du gouvernement béninois à lutter contre la fraude fiscale et douanière.
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Entre 2017 et 2018, le pays a connu une vague de redressements fiscaux dont le plus célèbre a visé plusieurs des sociétés du richissime homme d’affaires du pays, Sébastien Ajavon, pour quelque 155 milliards de francs CFA. Le Bénin bénéficie de la part du Département des finances publiques (FAD) du FMI, d’un programme d’assistance technique financé par le Fonds fiduciaire pour la mobilisation des recettes fiscales (RM-TF – Revenue Mobilization Trust Fund), qui couvre, entre autres, le renforcement de ses principales fonctions de l’administration fiscale.
Un nouveau système de collecte de la TVA
Le nombre de contribuables actifs s’accroît : dès le début des réformes, sur les trois premiers mois de l’année 2017, environ 4 000 nouveaux contribuables ont été répertoriés. Toujours en 2017, la direction des grandes entreprises a vu son portefeuille passer de 303 à 490 entreprises dont le chiffre d’affaires culmine le milliard grâce à une plateforme d’échanges de données avec la Douane et les marchés publics.
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La création de nouveaux centres d’impôts à Porto-Novo (30 km de Cotonou) et à Bohicon (au centre du pays) a permis d’améliorer la prise en compte des moyennes entreprises, en portant leur contribution aux recettes fiscales à 10 % au moins contre 7 % auparavant.
Le rendement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est particulièrement en progression depuis 2017 où elle s’était situé à 3,64 % du PIB contre 2,1 % en 2013. Il sera renforcé par la mise en place d’un nouveau système pour facturer la TVA. Des appareils, dont l’utilisation est imposée aux contribuables, éditeront désormais des factures certifiées, avec une signature électronique pour chaque transaction. Les données, cryptées, seront ensuite envoyées via une carte à puce de type GSM (le même système que pour les téléphones mobiles), à la direction de l’impôt.
Course à la digitalisation
La bancarisation de l’ensemble des opérations fiscales lancée, à titre pilote, le 3 juillet 2017 concerne à ce jour les grandes entreprises, qui doivent désormais payer leurs impôts et taxes via les banques. « C’est un énorme gain de temps », témoigne un opérateur économique. « Cela contribue à réduire les tracasseries et surtout les contacts physiques avec les agents percepteurs ; ce qui est une source potentielle de corruption », renchérit un cadre de la direction générale des impôts. L’impact de cette bancarisation sur les recettes est estimé à près de 9 milliards de francs CFA d’ici à 2019.
Le 15 mars 2018, l’administration fiscale a aussi lancé le Système intégré de gestion des taxes et assimilés (SIGTAS) qui permet de faire ses déclarations fiscales et payer ses impôts de manière automatisée en ligne. Financé par le gouvernement canadien dans le cadre du Projet d’appui à l’accroissement des recettes intérieures du Bénin (PAARIB), le système va à terme contribuer à « gérer automatiquement plus de 90 % des contribuables et une importante base de données sur les opérations d’assiette, de recouvrement, de contrôle et de contentieux des différents impôts et taxes », explique Nicolas Yènoussi, directeur général des impôts.
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Le système est interconnecté avec les systèmes d’information d’autres structures comme la Douane, le Trésor, le Budget, les Marchés publics. Ce qui permet de croiser les données sur les contribuables afin de « lutter efficacement contre la fraude et l’incivisme fiscal » dans un pays où 10 % des contribuables assument plus de 80 % des recettes fiscales.
Trop grande pression
Rien ne semble arrêter le gouvernement dans sa volonté de mobiliser toujours plus de ressources. Le 25 juillet dernier, il a créé deux postes de contribution : 5 % du prix hors taxes des services de télécommunications et 5 FCFA par MO de data utilisé pour contourner les voix classiques de communication. Dans sa note sur les prévisions de recettes fiscales des impôts pour 2019, le gouvernement envisage d’engranger plus de 90 milliards de francs CFA de recettes avec ces deux contributions l’année prochaine.
Mais la mise en œuvre de la nouvelle tarification, le 19 septembre, a provoqué des contestations et des désagréments techniques qui ont obligé le gouvernement à revenir sur sa décision trois jours plus tard. Mais il ne renonce pas pour autant : il a annoncé la mise en place d’un comité dont l’une des missions est de « mettre en cohérence le système de tarification du secteur avec les nouveaux usages et technologies numériques [et d’] accroître la contribution du secteur du numérique à la croissance économique ».
Chez les contribuables, le sentiment de pression fiscale est à son comble. « Les entrepreneurs sont à l’agonie », constate Jean-Eudes Akakpo, juriste fiscal qui prévient : « le gouvernement doit éviter de tuer la poule aux œufs d’or ». Pour Serge Prince Agbodjan, membre de la commission fiscalité du secteur privé, la pression exercée par le gouvernement risque de compromettre la politique de formalisation des petites entreprises : « les gens seront plus réticents à quitter le secteur informel pour le formel », dit-il.