Présidentielle au Sénégal : l’architecte Pierre Goudiaby Atepa annonce sa candidature

Après bien des atermoiements, l’architecte Pierre Goudiaby Atepa devait officialiser, le vendredi 17 août, sa candidature à l’élection présidentielle sénégalaise. Il s’en explique à Jeune Afrique.

Pierre Goudiaby Atepa, architecte, homme d’affaires, est candidat pour la présidentielle de 2019 au Sénégal. © Vincent Fournier/JA

Pierre Goudiaby Atepa, architecte, homme d’affaires, est candidat pour la présidentielle de 2019 au Sénégal. © Vincent Fournier/JA

Publié le 17 août 2018 Lecture : 5 minutes.

Il avait déjà envisagé sa candidature en 2012. Mais Pierre Goudiaby Atepa y avait renoncé in extremis. Six ans plus tard, l’architecte le plus célèbre du Sénégal s’est finalement décidé à briguer la magistrature suprême. Une candidature dont il a posé les premiers jalons au cours des dernières semaines en publiant un livre programmatique (Sénégal-Rek, ensemble pour une refondation) et en mobilisant ses soutiens au pied du monument de la Renaissance africaine, à Dakar.

Familier des hommes politiques et des milieux économiques, l’homme d’affaires, âgé de 71 ans, entend désormais « consacrer le reste de [sa] vie active au Sénégal et aux Sénégalais ». Un engagement qu’il présente comme un « sacerdoce » « pour restituer une partie de ce que Dieu m’a donné au service de mes concitoyens ».

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Jeune Afrique : Lors de l’élection présidentielle de 2012, vous aviez hésité à vous présenter à la présidentielle avant d’y renoncer. Qu’est-ce qui vous a décidé cette fois ?

Pierre Goudiaby Atepa : Je suis un patriote et j’observe attentivement ce qui se passe dans mon pays. La corruption a atteint aujourd’hui un niveau critique, qui menace les fondements même de notre société. Je note aussi que la politique politicienne a désormais pris le dessus sur la politique au sens étymologique du terme. Ce n’était pas le cas il y a six ans. Face à cette situation, il m’était impossible de rester les bras ballants.

Ma candidature à l’élection présidentielle est celle d’une troisième voie : ni pouvoir ni opposition

Comment vous positionnez-vous sur l’échiquier politique ? Êtes-vous un opposant ?

Je tiens à préciser d’emblée que je n’ai jamais appartenu à un parti politique. Certes, j’ai été proche de certains responsables [il a notamment été le conseiller spécial du président Abdoulaye Wade pendant douze ans, ndlr]. Car c’est nécessaire, lorsqu’on est architecte, d’avoir l’onction du politique pour mener des projets. Mais cela s’arrête là.

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Ma candidature à l’élection présidentielle est celle d’une troisième voie : ni pouvoir ni opposition. Nous entendons plutôt être une force de proposition au service du développement de notre pays. Depuis des mois, l’actualité est dominée par les guéguerres de la classe politique. Mais on en oublie de parler de l’essentiel, à savoir l’avenir du Sénégal !

Parlons, par exemple, du pétrole et du gaz. Cette manne extraordinaire que Dieu nous a donnée n’est pas une malédiction. Dans notre programme, nous proposons la construction d’une ville nouvelle près des champs pétroliers, que l’on appellera Petropolis. Cela permettra de créer un million d’emplois – vous m’avez bien entendu : un million – dans le domaine de la pétrochimie.

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Nous faisons aussi la part belle à l’éducation et à l’enseignement supérieur, avec notamment un projet de modernisation de l’université de Dakar. Nous proposons également un redécoupage administratif du territoire, en réduisant le nombre de régions de quinze à sept. Cela n’a aucun sens d’avoir un gouverneur à Fatick et un autre à Kaolack. Enfin, il faudra revoir la loi sur la décentralisation. On a donné aux maires des prérogatives qu’ils ne peuvent exercer, faute de moyens. Résultat : pour obtenir des ressources, les collectivités vendent à tour de bras des terrains et défigurent les villes avec des panneaux publicitaires.

Les Sénégalais ne sont pas dupes : ils savent qui vient pour se servir et qui vient pour servir

On recense déjà au moins une trentaine de candidatures déclarées en vue de l’élection présidentielle de février 2019. En quoi la vôtre se distingue-t-elle des autres ?

Les Sénégalais ne sont pas dupes : ils savent qui vient pour se servir et qui vient pour servir. Ils auront tout loisir de constater quels candidats puisent dans les ressources de l’État pour mener leur campagne. La mienne, je la financerai sur mes fonds propres – dont l’origine est d’ailleurs d’une transparence cristalline.

Avant d’officialiser votre candidature, vous vous êtes entretenu avec les anciens présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, ainsi qu’avec l’actuel chef de l’État Macky Sall. Quelle a été la teneur de vos échanges ?

J’ai effectivement évoqué ma candidature avec Abdou Diouf, qui m’a donné quelques conseils. Mais je préfère ne pas en parler car cela doit demeurer confidentiel. Le président Abdoulaye Wade, à qui j’ai écrit, ne m’a pas répondu directement. J’ai l’impression, au fond, qu’il « roule » toujours pour son fils biologique.

Quant à Macky Sall, nous avons effleuré le sujet ensemble. Pour l’anecdote, quand j’ai pénétré dans le palais présidentiel, il m’a salué en m’appelant « Monsieur le candidat ». Je lui ai répondu : « Monsieur le président, nous sommes deux candidats dans cette salle : vous et moi. » Le Premier ministre s’est même précipité pour dire qu’il serait mon directeur de campagne. Pourquoi pas, après tout ? La vraie politique, ce n’est pas de faire de son adversaire un ennemi.

Entre le pouvoir et l’opposition, c’est bonnet blanc et blanc bonnet

Dans votre livre, vous avez des mots assez durs envers le régime de Macky Sall. Est-ce que vous pensez, à l’instar de certains responsables de l’opposition, que ce régime a dérivé dans un certain autoritarisme ?

Je vais sûrement vous surprendre mais je ne suis pas contre les dictatures éclairées. On a vu ce qui est advenu de la Libye après Kadhafi. Pour le reste, je ne souhaite pas entrer dans leurs polémiques politiciennes. Car entre le pouvoir et l’opposition, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. L’ambassadeur des États-Unis au Sénégal l’a d’ailleurs dit récemment : ils s’opposent, mais sans exposer leur projet pour le pays.

Je ne suis pas satisfait non plus de la manière dont les affaires sont gérées par le pouvoir. Un exemple : le président de la République m’avait invité, il y a trois ou quatre ans, à l’accompagner en Casamance. Je lui avais répondu « oui », à condition qu’il promette la construction d’un chemin de fer entre Ziguinchor et Dakar. Des études montraient alors que le coût d’un tel ouvrage était d’environ 1 milliard d’euros. Mais contrairement à sa promesse, le président nous a fait un TER qui n’arrive même pas à l’aéroport et dont le coût est sensiblement le même. Ces dysfonctionnements-là, il faudra les corriger.

Vous écrivez également dans votre livre que la justice sénégalaise est « malade » et « structurellement inféodée au pouvoir ». A-t-elle bien fait son travail dans les dossiers concernant Khalifa Sall et Karim Wade – tous deux candidats déclarés à la présidentielle ?

Non, elle n’a pas bien fait son travail. Mais je n’en dirai pas plus car je ne voudrais pas qu’on vienne me cueillir demain. Plus sérieusement, dans la refondation que j’appelle de mes vœux, j’estime qu’il est nécessaire d’avoir une justice telle qu’on l’a connue du temps du président Isaac Forster [le premier président de la Cour suprême de justice sénégalaise, ndlr]. Cela fera aussi partie des chantiers prioritaires.

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