Droits TV : qui pour diffuser la Coupe du monde en Afrique ?

Après que la Fifa a changé les règles pour la diffusion en Afrique subsaharienne des grands événements footballistiques, une quinzaine de chaînes a pu obtenir les droits de diffusion des matches en clair. Au Maghreb, beIN Sports domine largement le paysage.

Diffusion d’un match de football en Égypte, lors de la CAN 2017. © Nariman El-Mofty/AP/SIPA

Diffusion d’un match de football en Égypte, lors de la CAN 2017. © Nariman El-Mofty/AP/SIPA

Publié le 15 juin 2018 Lecture : 5 minutes.

Lors des deux éditions précédentes du Mondial et pour tous les événements de la Fifa jusqu’à récemment, c’est l’Union africaine de radiodiffusion (UAR) qui était chargée de la gestion des droits médias en Afrique subsaharienne.

Mais le 21 octobre 2016, la Fédération internationale de football a lancé un appel d’offres pour la diffusion de l’ensemble de ses événements sportifs 2017-2018 (y compris la Coupe du monde) dans 42 États d’Afrique subsaharienne, une procédure inédite sur le continent. « La nouvelle équipe de la Fifa a fait le choix des opérateurs privés et mis entre parenthèses l’accord qui nous liait », déplore Grégoire Ndjaka, directeur de l’UAR.

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L’institution panafricaine a répondu à l’appel d’offres de la Fifa, mettant sur la table 13 millions d’euros pour l’acquisition des droits terrestres (diffusion en clair). Mais la Fifa lui a préféré cinq diffuseurs privés, parmi lesquels Canal+ pour la télévision payante ou Econet, qui a acquis les droits de retransmission télévisée de la Coupe du monde pour une quarantaine de pays d’Afrique subsaharienne. « Ces droits ne sont pas exclusifs, donc ils ne sont pas monstrueusement élevés », commente David Mignot, directeur général Afrique de Canal+, sans toutefois révéler les montants en jeu.

Plus d’exclusivité pour les télés publiques

Il y a une semaine encore, Grégoire Ndjaka, mis hors jeu, continuait d’être sollicité par différents États pour arracher à la dernière minute les droits terrestres à Kwesé TV, chaîne sportive de l’opérateur zimbabwéen Econet. Ce dernier en est le détenteur exclusif pour cette zone géographique, à l’exception de l’Afrique du Sud où la Coupe du monde est retransmise par la chaîne privée SABC. « Ces négociations à quelques heures de l’ouverture, pénalisent les chaînes de télévision africaines », souligne le directeur général de l’UAR, puisqu’elles ne leur permettent pas d’émettre ensuite des programmes de qualité, ni d’optimiser leurs espaces de publicité.

En RDC, par exemple, les amateurs de football ne pourront regarder le Mondial à la télévision que par satellite

Plus préoccupant, « beaucoup d’Africains ne vont pas voir la Coupe du monde en clair car, pour certains pays, ces droits sont hors de portée », déplore l’ancien directeur des Ressources humaines de la télévision nationale camerounaise (CRTV). En RDC, par exemple, les amateurs de football sont censés ne pouvoir regarder le Mondial à la télévision que par satellite – en réalité, certaines chaînes kinoises ne se gênent pas pour diffuser illégalement les matches de beIN au moment même du match. Selon la liste officielle publiée par la Fifa le 7 juin, une quinzaine de chaînes de télévision de pays subsahariens francophones est autorisée à diffuser en clair la Coupe du monde 2018. Toutes ont acquis ces droits, grâce à un accord avec Econet.

Ces chaînes locales sont aussi bien publiques que privées car, c’est l’autre nouveauté de ce Mondial, les télévisions nationales n’ont plus le monopole de la Coupe du monde en Afrique subsaharienne. Au Cameroun, la CRTV doit compter avec Canal 2. Au Sénégal, la RTS détient les droits terrestres, l’Obs TV, chaîne du Groupe Futurs Médias de la star Youssou N’Dour, les droits satellitaires. Au Mali, la Coupe du monde sera retransmise par la chaîne privée Africable, diffusée en clair. En Côte d’Ivoire, la télévision publique RTI reste maître du Mondial.

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beIN Sports largement dominant au Maghreb

Au Maghreb, l’étau s’est davantage resserré puisque l’opérateur privé beIN Sports a raflé l’exclusivité des droits de la Coupe du monde, et en diffusera gratuitement une sélection, ceux des équipes arabes qualifiées. Sur quatre pays – Algérie, Maroc, Tunisie, Égypte -, seuls les supporters des Lions de l’Atlas qualifiés au Mondial pourront voir les matches de leur équipe sur leur télévision nationale.

Étonnamment, la SNRT qui apparaissait sur la liste des médias autorisés par la Fifa au 1er décembre, n’y figurait plus sur celle publiée au 7 juin… entretenant un certain suspense. Elle a fini par trouver un accord pour diffuser une dizaine de matches, dont ceux des Lions de l’Atlas, la finale et une demi-finale.

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À quelques heures du premier match des Pharaons, également qualifiés en Coupe du monde pour la première fois depuis 1990, les Égyptiens réservaient leurs places dans les cafés et restaurants abonnés à beIN Sports. Les relations tendues entre l’Égypte et le Qatar ne rendent pas l’opérateur privé très populaire dans le pays.

Il faut par ailleurs compter 1 600 livres égyptiennes (78 euros) pour l’achat d’un décodeur et 2 280 livres égyptiennes (109 euros) pour l’abonnement à beIN Sports, des prix largement inaccessibles pour une grande partie de la population. À l’ouverture de la compétition, le bouquet satellitaire privé Arabsat – moins onéreux – diffusait également les matches.

Canal+, qui compte 3,5 millions d’abonnés sur le continent, pratique de son côté une offre d’entrée de gamme de 15 000 francs CFA pour le matériel et un mois d’abonnement.

Le siège de Canal+ dans le quartier ACE 2000, à Bamako (Mali), le 03 Septembre 2014. © Tanya Bindra pour JA

Le siège de Canal+ dans le quartier ACE 2000, à Bamako (Mali), le 03 Septembre 2014. © Tanya Bindra pour JA

Gare au piratage

Devant ces coûts, certains particuliers amateurs de football, mais aussi certaines chaînes africaines, n’hésitent pas à opter pour « la débrouille ». Si la diffusion illégale des matches sur des sites de streaming, principale source du piratage en Europe, est peu répandue en Afrique subsaharienne, compte tenu de la faible couverture du très haut-débit et du prix de la donnée mobile, il arrive que « des opérateurs locaux fassent l’économie d’achat des droits et reprennent le signal de Canal+ », explique David Mignot, qui évoque des « violations manifestes du droit de la propriété intellectuelle et du droit à l’image ».

Les contrevenants s’exposent à des amendes pouvant aller de 2 à 10 millions de francs CFA, voire même le retrait de leur licence

Le 8 juin, à moins d’une semaine du Mondial, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel du Sénégal a d’ailleurs lancé un avertissement aux chaînes ayant des velléités de piratage : « Les chaînes ne bénéficiant pas d’autorisation de commercialisation ou de diffusion doivent respecter les droits des opérateurs qui ont l’exclusivité de distribution et/ou de diffusion des matches », signale-t-elle dans un communiqué, avant de rappeler les sanctions auxquelles s’exposent les contrevenants : des amendes pouvant aller de 2 à 10 millions de francs CFA (3 050 à 15 250 euros), voire même le retrait de leur licence.

Diffusion en clair

Bénin (ORTB), Burkina (RTB), Cameroun (CRTV, Canal 2), Tchad (ONRTV), Congo-Brazza (Télé Congo), Côte d’Ivoire (RTI), Gabon (RTG), Guinée Conakry (RTG), Madagascar (ORTM), Mali (Africable), Niger (ORTN-Télé Sahel), Rwanda (RBA et KFS Rwanda), Sénégal (RTS et l’Obs TV), Togo (Télévision togolaise)

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