Risque de contagion en Afrique de l’Ouest

Publié le 4 septembre 2008 Lecture : 3 minutes.

« La puissance exponentielle du trafic de drogue [en Guinée-Bissau] menace de faire de la région un épicentre de non-droit et d’instabilité. » Par ces propos, le directeur exécutif de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), Antonio Maria Costa, exprime sa crainte de voir la situation dans le pays remettre en cause l’équilibre de la sous-région. Les inquiétudes de Maria Costa sont d’ailleurs partagées par les chefs de mission de paix en Afrique de l’Ouest. Réunis en novembre 2007, ils ont sonné le tocsin pour exprimer leur souci face au péril bissauguinéen.
Lors d’un forum organisé à Dakar en septembre 2007, le directeur général du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent (Giaba), le Dr Abdullahi Shehu, a confirmé que « le trafic de cocaïne en Guinée-Bissau est lié à celui pratiqué au Sénégal. Le pays, qui était habitué à des saisies tournant autour de quelques grammes, s’est distingué avec une saisie record de plus de deux tonnes de cocaïne sur la Petite Côte, dont le montant est évalué, selon la gendarmerie nationale, à 150 milliards de F CFA (228,6 millions d’euros) », souligne-t-il.
Les narcotrafiquants ont aussi étendu leurs réseaux en Guinée (l’autre voisin de la Guinée-Bissau), désormais l’un des lieux privilégiés de transit de la drogue en provenance d’Amérique du Sud. De passage à Conakry, le représentant de l’ONUDC en Afrique de l’Ouest, Antonio Mazzitelli, a attiré l’attention du président guinéen, Lansana Conté, sur le danger que ce trafic représente pour la stabilité de son pays. De la Guinée, les contrebandiers de la drogue, révèle Maria Costa, rejoignent ensuite le Mali. Plusieurs autres pays d’Afrique de l’Ouest sont également la cible des narcotrafiquants à cause de leur perméabilité. Il s’agit notamment du Bénin, du Togo, de la Sierra Leone… faisant ainsi de la zone une plaque tournante du trafic de cocaïne. Les chiffres sont éloquents : la sous-région totalise 99 % des saisies de cocaïne sur le continent. La Mauritanie est également concernée. En mai 2007, un petit avion à hélices atterrit à l’aéroport de Nouadhibou. Équipé de réservoirs de carburant supplémentaires, il arrive du Venezuela. À bord, 629 kg de cocaïne, qui seront abandonnés sur le tarmac. Ayant aperçu un véhicule approchant de la piste, les pilotes ont rapidement décollé après avoir déchargé… La cargaison sera saisie puis détruite par la police mauritanienne. Quelques semaines plus tard, Interpol publie un mandat d’arrêt contre Sidi Mohamed Ould Haidalla. Destinataire supposé du chargement, ce dernier n’est autre que le fils aîné de Mohamed Khouna Ould Haidalla, qui a dirigé la Mauritanie de 1980 à 1984. Arrêté à Agadir, au Maroc, en juillet 2007, il devrait comparaître devant la justice marocaine à partir du 11 septembre prochain. Son procès a déjà été reporté deux fois.
Si les trafiquants ont pris pied à Bissau, estime un spécialiste de la lutte contre la drogue, « c’est pour pouvoir ouvrir de nouvelles routes. Ils avaient besoin d’un port d’attache pour mieux s’implanter dans la sous-région ». La Guinée-Bissau s’y prêtait mieux que tout autre pays. Économiquement faible, elle est aussi politiquement et institutionnellement fragile. Les coups d’État et les mutineries sont courants dans cette ancienne colonie portugaise. D’ailleurs, le président de la République, João Bernardo Vieira, a échappé de justesse, les 6 et 7 août dernier, à une tentative de putsch.
En plus de ses difficultés traditionnelles, la Guinée-Bissau doit aussi faire face à l’argent de la drogue, qui pervertit son économie. Par les pots-de-vin ou la menace, les trafiquants ont infiltré les structures étatiques et opèrent en toute impunité en s’offrant des protections.
Les narcotrafiquants se servent désormais de la sous-région comme d’un lieu de transit depuis que les dispositifs de contrôle ont été renforcés aux États-Unis. Ils profitent en même temps de l’augmentation de la demande de cocaïne en Europe. Mais, plus que tout autre pays en Afrique de l’Ouest aujourd’hui, ils ont fait de la Guinée-Bissau leur quartier général.

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