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La Guinée face au choc social
Dans les quartiers périphériques comme en centre-ville de la capitale, en particulier à Kaloum, la commune qui accueille le quartier des affaires et des administrations, la mode est au style « à la turque », comme disent les Conakrykas pour qualifier les immeubles construits par des promoteurs et entreprises venues des rives du Bosphore.
Façade plate, épurée et rectiligne, finitions soignées… « Les Guinéens n’étaient pas habitués à ce style architectural et beaucoup sont séduits par son côté sobre et haut de gamme », explique Aboubacar Diop. Ce Guinéen d’origine sénégalaise, diplômé en biotechnologie de l’université d’Anadolu, en Turquie, est employé chez Turquoise Groupe SA, société de BTP turque installée à Conakry depuis 2014.
Pourtant, le phénomène est apparu il y a quelques années. « C’est un jeune entrepreneur turc, ingénieur en construction, qui, en 2010, a été le premier à réaliser un immeuble de ce type à Kaloum, explique Aboubacar Diop. Puis d’autres opérateurs turcs lui ont emboîté le pas. »

Constructions réalisées par des entreprises de BTP turques. La mosquée de Bambeto est l'ouvrage le plus emblématique. © Youri Lenquette pour JA
Le succès a été immédiat : leurs programmes n’ont même pas eu besoin de campagnes publicitaires pour être commercialisés, le bouche-à-oreille a suffit. Pour le moment, ces immeubles, qui peuvent compter jusqu’à 12 étages, trouvent acheteurs auprès d’une clientèle locale de particuliers aisés, séduits par le style des bâtiments et des appartements, ainsi que les prestations proposées, ne serait-ce que les parkings en sous-sol, détail non négligeable à Kaloum, où les problèmes de stationnement sont particulièrement aigus.
Liaisons de Turkish Airlines
La tendance s’est confirmée avec le retour de la croissance, d’autant que la capitale manque encore d’immeubles résidentiels de ce standing. La visite en Guinée du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan en mars 2016, celle d’Alpha Condé à Ankara au mois de décembre suivant, et l’ouverture, fin janvier 2017, de deux liaisons hebdomadaires entre Istanbul et Conakry par Turkish Airlines ont aussi favorisé l’installation d’opérateurs turcs, lesquels grignotent désormais des parts de marché aux constructeurs ouest-africains – sénégalais, béninois, togolais -, qui avaient historiquement la haute main sur le secteur.
Il faudra que l’État encadre ce phénomène, car il pénalise les sociétés légalement installées
« Impossible en revanche de vous dire combien ils sont, confie Aboubacar Diop. Beaucoup nouent des partenariats dans l’anonymat avec des Guinéens et travaillent dans l’informel… Il faudra que l’État encadre ce phénomène, car il pénalise les sociétés légalement installées. »

Constructions réalisées par des entreprises de BTP turques. Chantiers à Kaloum, à Conakry. © Youri Lenquette pour JA
Comme Turquoise Groupe, dont le siège social est bien visible, dans le quartier de La Minière. Même si sa percée est encore timide, la société tente de concurrencer les entreprises chinoises sur des chantiers d’envergure et s’est vue confier les travaux de génie civil des centrales électriques de Kipé et de Tombo, à Conakry.
Complexe high-tech
Sa compatriote STC Insaat a quant à elle remporté, en 2016, l’appel d’offres international pour la construction de la Waqf City, à Kaloum : un complexe immobilier high-tech comprenant un centre commercial, trois tours (bureaux et appartements), des parkings souterrains, etc.
Le coût du projet est estimé à 45 millions de dollars, financé par la Banque islamique de développement et l’État guinéen, et ses études ont été réalisées par un cabinet d’architecture turc, EDS Mimarlik, également chargé de la supervision du futur chantier.