RDC : « Le gouvernement aime le dialogue, à condition que ce soit avec lui même », selon International Crisis Group

L’International Crisis Group publie ce lundi un rapport sur la crise politique en République démocratique du Congo qui encourage chaque camp à s’engager pour respecter le nouveau calendrier électoral et sortir le pays de l’ornière. Richard Moncrieff, directeur Afrique centrale de l’ICG, analyse la situation pour Jeune Afrique.

Joseph Kabila, président de la RDC, le 29 juin 2010 à Kinshasa. © Olivier Pollet/AP/SIPA

Joseph Kabila, président de la RDC, le 29 juin 2010 à Kinshasa. © Olivier Pollet/AP/SIPA

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Publié le 4 décembre 2017 Lecture : 4 minutes.

Comment organiser des élections quand le président sortant rechigne à quitter le pouvoir ? Dans un rapport publié lundi, l’International Crisis Group interroge la responsabilité de chaque parti dans la crise politique qui mine la République démocratique du Congo et encourage gouvernement, opposition ainsi que la communauté internationale à travailler de concert pour assurer la transition politique.

Le deuxième et dernier mandat de Joseph Kabila a pris fin le 20 décembre 2016. Depuis, le président congolais, au pouvoir depuis 2001, joue les prolongations, conformément à une lecture de la Constitution de 2006 qui, si elle l’empêche de briguer un troisième mandat, l’autorise à rester au pouvoir tant que son successeur n’a pas été désigné. L’accord dit de la « Saint Sylvestre », signé le 31 décembre 2016, prévoyait que l’élection devait se tenir avant la fin de l’année 2017.

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Arguant de problèmes matériels et mettant en avant l’instabilité sécuritaire du pays, le pouvoir a repoussé l’échéance jusqu’à entériner, avec la validation de l’ONU, un nouveau calendrier électoral qui fixe la prochaine élections au 23 décembre 2018 et décale donc la passation de pouvoir à janvier 2019. Au grand dam de l’opposition congolaise dite « radicale ».

Richard Moncrieff, directeur des projets en Afrique centrale pour l’International Crisis Group répond à Jeune Afrique sur les enjeux du nouveau calendrier électoral.

Jeune Afrique: Une journée de manifestations comme celle du jeudi 30 novembre, avec déploiement militaire et arrestations d’opposants, ne montre-t-elle pas que le gouvernement n’est pas prêt à laisser place au dialogue même avec l’adoption d’un nouveau calendrier électoral ?

Richard Moncrieff : Tout à fait, je crois que la journée de jeudi dernier montre que le gouvernement n’a pas prévu de changer d’attitude. Cela montre aussi un écart entre les préoccupations des acteurs internationaux qui valident un calendrier qui repousse de douze mois les élections, et celles de la population, surtout en zone urbaine, fatiguée par le régime sans fin de Kabila. Le gouvernement aime le dialogue, à condition que ce soit avec lui même.

La politique de sanctions jusqu’à présent adoptée a trouvé ses limites

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La validation du calendrier électoral a été contrainte au sens où, à force de gesticulations, le pouvoir congolais a mis l’ONU devant le fait accompli. La communauté internationale a-t-elle tardé à prendre la mesure des motivations de Joseph Kabila?

Pendant longtemps la communauté internationale a sous-estimé l’acharnement de Joseph Kabila. Ce n’est plus le cas, il y a eu une prise de conscience, au cours de l’année 2017, que Joseph Kabila a les moyens techniques et politiques pour faire durer son régime. Il faut désormais adopter des mesures concrètes, adresser directement la Ceni pour éviter que le processus traîne.

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Il faut faire le constat que la politique de sanctions jusqu’à présent adoptée a trouvé ses limites. Elle ont joué un rôle au sens où elles ont aidé la CENCO à négocier l’accord du 31 décembre. Mais force est de constater qu’elle n’ont eu aucun effet sur l’année qui s’est écoulée si ce n’est de nourrir le discours du pouvoir sur une ingérence internationale postcoloniale dans les affaires congolaises. Un discours qui pourrait créer de nouvelle division dans la communauté internationale sur l’attitude à adopter.

L’Union africaine doit-elle se montrer plus ferme avec Kinshasa ?

L’Union africaine mène une stratégie différente de celle des autres partenaires internationaux. Depuis le début de la crise elle se cantonne à une logique à court terme. Les voisins de la RDC, même si ils soutiennent le processus ne souhaitent pas mettre trop de pression sur Kinshasa car ils ne veulent pas encourager la contestation du pouvoir et envenimer une situation déjà tendue.

Les intérêts divergents que nourrissent d’un côté les acteurs occidentaux et l’Union africaine de l’autre contribue au maintien du statu quo. Mais si à court terme le maintien de Joseph Kabila peut apparaître comme un gage de stabilité pour les voisins de la RDC, ils n’ont aucun intérêt à voir la situation s’envenimer avec de nouveaux délais dans le processus électoral.

Quels leviers doivent être activés dans les mois à venir pour garantir que le processus électoral pourra cette fois suivre son cours ?

Il faut être honnête cela ne va pas être facile. A mon sens il y a trois axes à approfondir. Premièrement il faut une meilleurs cohérence internationale. Le consensus ne sera jamais total entre les envoyés des pays occidentaux et ceux des voisins africains qui ont aussi des intérêts régionaux. Deuxièmement il faut qu’un véritable espace politique soit aménagé.

La population congolaise a totalement perdue confiance dans ses institutions, il y a un rejet total de la politique. Le risque, si l’opposition n’est pas clairement impliquée dans le processus électoral c’est qu’elle rejette un simulacre d’élection et que nous tournions en rond. Enfin, il faut que l’opposition s’engage dans le processus encadré par le nouveau calendrier malgré un scepticisme que l’on comprend mais qui ne fera rien avancer à terme.

L’opposition ne s’est pas remise de la mort d’Étienne Tshisekedi

L’opposition continue de réclamer le départ de Joseph Kabila à la fin de l’année, conformément à l’accord du 31 décembre. Doit-elle remettre en cause sa stratégie ?

L’opposition ne s’est pas remise de la mort d’Étienne Tshisekedi, elle peine à parler d’une seule voix et personne n’a le charisme de l’ancien leader de la contestation. Au lieu de simplement demander le départ de Joseph Kabila il faut qu’elle se mue en force de proposition, arrête de camper sur sa position et change de stratégie. La légitimité de l’opposition doit se faire sur le terrain. Une des raisons qui a permis à Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir sans trop être inquiété jusqu’à présent c’est que l’opposition est trop désorganisée.

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