Zimbabwe : Robert Mugabe limoge son vice-président pour « manque de loyauté»

Robert Mugabe a limogé lundi son vice-président Emmerson Mnangagwa. Une décision interprétée par l’opposition comme une manœuvre destinée à ouvrir la voie à la Première dame pour succéder, le moment venu, au chef de l’État.

Grace Mugabe et Emmerson Mnangagwa, le 10 février 2016. © Tsvangirayi Mukwazhi/AP/SIPA

Grace Mugabe et Emmerson Mnangagwa, le 10 février 2016. © Tsvangirayi Mukwazhi/AP/SIPA

Publié le 6 novembre 2017 Lecture : 3 minutes.

« Son excellence le président camarade Mugabe a exercé son pouvoir de relever, avec effet immédiat, l’honorable vice-président Mnangagwa de ses fonctions de vice-président de la République du Zimbabwe », a déclaré le ministre de l’Information, Khaya Moyo, à la presse.

La destitution d’Emmerson Mnangagwa, surnommé le « Crocodile » pour son caractère impitoyable, intervient après des semaines de tensions au sommet de l’État entre le vice-président et Grace Mugabe, alimentées par une mystérieuse rumeur d’empoisonnement. Hospitalisé d’urgence en août en Afrique du Sud, Emmerson Mnangagwa avait affirmé avoir été victime d’une telle tentative.

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Il avait pris soin de ne pas avancer de possible commanditaire, mais ses partisans assuraient qu’il avait été délibérément intoxiqué par le biais d’une crème glacée fabriquée dans une laiterie appartenant à Grace Mugabe. Des accusations que la Première dame avait vivement démenties.

« Malhonnêteté et manque de sérieux »

Lundi, le couperet est tombé pour Emmerson Mnangagwa avec l’annonce de son renvoi, « avec effet immédiat », de son poste de vice-président. « Il est devenu évident que son comportement dans l’exercice de ses fonctions est devenu incohérent avec ses responsabilités officielles », a expliqué le ministre de l’Information.

« Le vice-président a systématiquement et constamment fait preuve de manque de loyauté, de manque de respect, de malhonnêteté et de manque de sérieux », a-t-il encore justifié.

Début octobre, Robert Mugabe lui avait lancé un premier avertissement en lui retirant le portefeuille de la Justice.

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Le gouvernement n’a pas encore annoncé le nom du nouveau vice-président, un poste clé puisqu’il occupe les fonctions de chef de l’État en cas d’incapacité, maladie, démission ou décès du président.

« Dynastie Mugabe »

La Ligue des jeunes de la Zanu-PF, le parti au pouvoir, a toutefois d’ores et déjà pris fait et cause pour Grace Mugabe… avant même l’annonce officielle de l’éviction d’Emmerson Mnangagwa.

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« Nous avons besoin de quelqu’un dont la loyauté vis-à-vis du parti et de son dirigeant, le président Mugabe, soit indiscutable, et, plus important encore, une personne qui n’ait aucune volonté de travailler contre le président », a déclaré le dirigeant de la Ligue, Kudzai Chipanga.

« La seule personne qui possède de telles qualités est le leader de la Ligue des femmes (de la Zanu-PF), personne d’autre que son excellence la Première dame de la République du Zimbabwe, Amai Grace Mugabe », a-t-il estimé.

La guerre pour la succession du président, qui dirige d’une main de fer le Zimbabwe depuis 1980, fait rage au sein de la Zanu-PF. À 93 ans, Robert Mugabe est le plus vieux chef de l’État en exercice de la planète. Il se rend régulièrement à l’étranger pour des raisons médicales. En dépit de son âge, il a annoncé qu’il briguerait un nouveau mandat en 2018.

Dimanche, son épouse âgée de 52 ans a annoncé qu’elle était prête à lui succéder le moment venu et que le parti au pouvoir allait bientôt changer ses statuts pour qu’une femme soit vice-présidente.

« Désormais tout est possible »

Dans ce contexte, la destitution d’Emmerson Mnangagwa n’est pas une surprise pour le principal parti d’opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC). « La Zanu-PF a été réduite à une dynastie Mugabe », a réagi le porte-parole du MDC, Obert Gutu.

« Il y a deux ans, il aurait été inconcevable que Grace Mugabe devienne vice-présidente mais désormais tout est possible », a estimé de son côté l’analyste Derek Matyszak.

Selon lui, Emmerson Mnangagwa, ancien patron des services de renseignements et considéré encore récemment comme l’un des lieutenants les plus fidèles de Robert Mugabe, est désormais « hors course » pour la présidence.

Il subit là le même sort que sa prédécesseur, Joyce Mujuru, évincée en décembre 2014, après une campagne de Grace Mugabe qui l’accusait de vouloir renverser le président.

Dimanche, la Première dame avait aussi accusé Emmerson Mnangagwa d’avoir ourdi des complots, notamment d’avoir préparé un coup d’État au moment de l’indépendance en 1980.

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