La RDC au Conseil des droits de l’homme : une victoire diplomatique en trompe l’œil ?

L’élection de la République démocratique du Congo au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies a provoqué un tollé parmi les organisations de la société civile. Sonia Tancic, représentante de la FIDH à l’ONU, y voit cependant la possibilité de faire avancer la défense des droits humains dans le pays.

Lors des manifestations durement réprimées du 19 septembre 2016, à Kinshasa. © John Bompengo/AP/SIPA

Lors des manifestations durement réprimées du 19 septembre 2016, à Kinshasa. © John Bompengo/AP/SIPA

SoniaTancic
  • Sonia Tancic

    Sonia Tancic est représentante auprès des Nations Unies à Genève de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).

Publié le 19 octobre 2017 Lecture : 4 minutes.

Le 16 octobre, l’Assemblée générale des Nations unies a élu la République démocratique du Congo (RDC) pour siéger au Conseil des droits de l’homme de 2018-2020. Un vote non surprenant, l’élection des candidats africains au Conseil n’étant généralement ni ouverte, ni compétitive. Le groupe africain, au même titre que la majorité des autres groupes régionaux, avait désigné le même nombre de candidats que de sièges à pourvoir.

La RDC a recueilli un nombre de votes bien plus faible que les autres pays africains candidats, et parmi les plus bas de tous les pays candidats à cette élection. Institutionnellement, elle a toutes les caractéristiques du candidat élu par défaut.

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Un affront aux personnes arrêtées ou assassinées

Mais pour les organisations de la société civile, ce vote si décevant est avant tout un affront fait aux personnes arrêtées ou assassinées ces dernières années en RDC. En toute impunité. Il intervient alors que depuis plus d’un an, plusieurs milliers de personnes auraient été tuées dans les régions des Kasaï, et près de 80 fosses communes identifiées par les Nations unies. D’après l’Unicef, plus de 900 écoles ont été attaquées, parfois entièrement détruites, ou utilisées à des fins militaires dans ces provinces.

Les responsables des abus [dans le Kasaï] n’ont pas été inquiétés par la justice

La FIDH, qui a conduit, en juillet 2017, une mission d’enquête sur les crimes commis en particulier dans plusieurs villages du territoire de Kamonia, dans le sud de la province du Kasaï, a pu récolter des témoignages de rescapés qui rapportent l’horreur subie par les populations civiles en proie aux exécutions sommaires, aux mutilations, aux violences sexuelles, aux pillages et aux destructions de biens, arrestations et détentions arbitraires.

Ces crimes, attribués principalement aux éléments de l’armée et de la police congolaises, leurs supplétifs de la milice Bana Mura ;  et, dans une moindre mesure, aux éléments de la milice Kamuina Nsapu, pourraient constituer des crimes internationaux. Le fait que certains de ces crimes puissent s’apparenter à du nettoyage ethnique, les ethnies Luba et Lulua ayant été prises pour cibles par les milices Bana Mura et les forces gouvernementales, est également extrêmement inquiétant.

Aujourd’hui encore, les responsables de ces abus n’ont pas été inquiétés par la justice et les victimes – qui ont généralement tout perdu et souffrent de séquelles physiques et psychologiques graves – demeurent en grande partie sans assistance et livrées à elles-mêmes.

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>>> A LIRE – RDC : la milice Bana Mura plus féroce que les Kamuina Nsapu dans le Kasaï, selon l’ONU

La RDC plus que jamais tenue par l’obligation d’observer les normes les plus strictes en matière de défense des droits humains

La RDC désormais tenue de coopérer avec le Conseil dont elle est membre

L’élection de la RDC est d’autant plus indigne que le pays n’a pas daigné annoncer de contributions volontaires ou d’engagements en matière de droits humains en soutien à sa candidature. Une pratique pourtant habituelle pour les pays candidats, et prévue par la résolution instituant le Conseil des droits de l’homme.

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Toutefois, notons que la RDC, en tant que membre élu du Conseil, est désormais plus que jamais tenue par l’obligation d’observer les normes les plus strictes en matière de promotion et de défense des droits humains. Elle doit également coopérer pleinement avec le Conseil et les mécanismes onusiens de défense de droits de humains.

Par exemple, la RDC devra faciliter les visites de l’équipe d’experts internationaux  mandatée par le Conseil des droits de l’Homme en juin dernier pour enquêter et faire la lumière sur les graves abus dans la région du Kasaï.

Et tant que le pays siégera au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, la situation des droits humains en RDC sera sous surveillance constante. Ce  même Conseil avait d’ailleurs placé la RDC au centre de son attention dès septembre 2016, un acte politique fort et indispensable pour tenter de répondre à la grave crise qui continue de secouer le pays.

>>> A LIRE – RDC : trafic d’or, général Tango Four, M23… que dit le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU ?

Tous les signaux sont aujourd’hui au rouge. L’élection présidentielle sans cesse repoussée et les tensions politiques exacerbées risquent d’engendrer une détérioration supplémentaire de la situation, de nombreuses régions du pays étant déjà soumises aux affrontements et prébendes accrues des groupes armés et forces gouvernementales.

Si l’élection de la RDC constitue une victoire diplomatique de court terme pour le gouvernement congolais, elle pourrait à terme participer à la mise en lumière des graves atteintes aux droits humains dans le pays.

En effet, le Conseil des droits de l’homme tiendra des débats publics sur la RDC à chacune de ses sessions ordinaires en 2018. Dès lors, le pays peut s’attendre à ce que sa propre situation des droits humains fasse l’objet d’un examen plus approfondi par la communauté internationale pendant la durée de son mandat au Conseil…

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