La longue semaine d’Audrey Azoulay, nouvelle directrice générale de l’Unesco

La candidate de la France à la direction générale de l’Unesco l’a emporté après une campagne intense. Elle était en lice face à Hamad Al-Kawari, le représentant du Qatar.

Audrey Azoulay, ex-ministre française de la Culture, a été élue à la tête de l’Unesco ce vendredi 13 octobre 2017. © Vincent Fournier/JA

Audrey Azoulay, ex-ministre française de la Culture, a été élue à la tête de l’Unesco ce vendredi 13 octobre 2017. © Vincent Fournier/JA

CRETOIS Jules

Publié le 13 octobre 2017 Lecture : 4 minutes.

La semaine n’a pas été reposante pour les équipes d’Audrey Azoulay. Mais ce vendredi 13 octobre à 18 heures 30, elles ont été récompensées : l’ex-ministre de la Culture française de 45 ans a été élue à la direction générale des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) par les 58 membres du conseil exécutif de l’organisation, lors de l’ultime tour de scrutin qui l’opposait au représentant du Qatar, Hamad Al-Kawari, ancien ministre de la culture qatari de 69 ans et qui avait été diplomate à l’Unesco. Elle a recueilli 30 voix, contre 28 à son opposant. Elle succède donc à Irina Bokova, qui a passé deux mandats à la tête de l’organisation.

Désistements et tractations

Le premier tour a eu lieu en début de semaine, le lundi. Le Qatar arrive alors en tête avec 19 voix. La France suit avec 13 voix, devant l’Egypte, candidature soutenue par l’Union Africaine, qui rafle 11 voix. Derrière suivent le Liban, la Chine, le Vietnam et l’Azerbaïdjan.

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Les premiers résultats sont déjà une surprise : les candidatures libanaise et chinoise étaient perçues comme plus sûres. « Il semblerait que le candidat chinois n’a pas reçu le même soutien de la part de son gouvernement que les deux pays en tête », nous disait alors un membre d’une équipe de campagne.

>>> LIRE : Audrey Azoulay : « Ce que je veux pour l’Unesco »

Au fur et à mesure de la semaine, vote après vote, plusieurs pays se désistent. Mais le jeudi soir, aucune majorité ne s’est dessinée.

« Un référendum pour ou contre le Qatar »

La France et l’Égypte arrivent en seconde place à égalité avec 18 voix chacune, derrière le Qatar, qui en empoche 22. Un cinquième et ultime jour d’élections avec deux votes, est organisé.

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A 14 heures 30 ce vendredi, les électeurs sont rassemblés une première fois pour ne garder qu’un seul des candidats de la France et de l’Égypte. La Française Audrey Azoulay sort Moushira Khattab avec 31 voix contre 25.

Du côté des Français, on se frotte les mains : un certain nombre de pays qui ont voté pour l’Égypte ne reporteront certainement pas leur voix vers le Qatar. Depuis plusieurs semaines, l’Égypte est à l’avant-garde de l’offensive diplomatique contre le petit royaume, aux côtés des Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Le vote sera, comme nous le confie un membre du staff d’Azoulay, « un référendum pour ou contre le Qatar ».

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Entre temps, les tractations s’accélèrent. « Chacun va voir les Libanais, on commence à dessiner des équipes avec des places pour chacun… », commente une source. Audrey Azoulay et Hamad Al-Kawari sont dans des salles un peu à l’écart l’une de l’autre…

Le mercredi, ils se sont rencontrés, tout sourires, pour une poignée de main rapide, immortalisée par un cliché vite mis en ligne, avant de s’en retourner rapidement chacun de son côté, auprès de ses équipes.

Les États-Unis quittent le navire

Entre temps, en plein milieu de semaine, le 12 octobre, les États-Unis annoncent leur retrait de l’institution, l’accusant d’être « anti-israélienne », vite suivis par Tel-Aviv. Washington avait déjà cessé de participer au financement de l’Unesco en 2011, après que l’agence a admis la Palestine parmi ses États membres.

Lors des auditions des candidats devant les membres du conseil exécutif, en avril 2017, le candidat qatari a été le seul à avoir appelé à un dialogue constructif avec les États-Unis.

Le règlement du différend israélo-palestinien au sein de l’institution a été un sujet important de la campagne. « Il y a une limite à ne pas franchir : l’instrumentalisation. Les différends bilatéraux ne doivent pas freiner l’action de l’Unesco. Au contraire, l’institution doit favoriser le dialogue et prévenir les conflits au lieu de les subir ou de les laisser s’exporter chez elle », déclarait Audrey Azoulay à Jeune Afrique.

Les soutiens de la candidate égyptienne mettaient en avant la place privilégiée qu’elle occupe pour parvenir à un règlement du conflit, son pays étant habitué aux discussions engageant les deux parties. La candidate libanaise, notamment, invoquait auprès de Jeune Afrique une connaissance « forcément très complète du dossier ».

Une candidature qui a énervé

La candidature d’Audrey Azoulay – dont le père, André Azoulay, est conseiller du roi du Maroc – n’avait pas manqué de faire grincer des dents : les pays arabes comptaient fermement installer un représentant de la région dans le fauteuil de directeur général, ce qui n’est encore jamais arrivé.

Beaucoup comptaient sur un soutien français. « La règle d’une alternance régionale n’existe pas, et je n’ai pas envie de m’engager dans ce débat, qui n’a guère de rapport avec les enjeux de l’Unesco. Je préfère parler du fond », nous avais répondu la candidate, rencontrée durant sa campagne à Paris, au mois de septembre.

Les nations arabes avaient tacitement décidé de laisser plusieurs pays concourir et de ne pas présenter de candidature unique, puis de se rassembler à l’issue du premier tour, en fonction des résultats. La crise diplomatique qui a éclaté opposant le Qatar à ses voisins les plus proches en aura décidé autrement.

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