Trois semaines après sa décision surprise d’invalider les résultats de l’élection présidentielle, le jugement complet de la Cour suprême était très attendu. Pendant plusieurs heures, la vice-présidente de l’institution, Philomena Mwilu, a décrit mercredi matin « des révélations perturbantes, voire saisissantes » sur la manière dont la Commission électorale (IEBC) a mené les élections.
« L’authenticité douteuse » des procès-verbaux
Parmi les griefs recensés à l’encontre de l’IEBC : la proclamation de la victoire de Uhuru Kenyatta avec 54,27 % des voix sur la foi de procès-verbaux émanant des circonscriptions électorales et « dont l’authenticité était parfois douteuse », sans avoir vérifié l’ensemble des PV des bureaux de vote.
Autre reproche : le refus de l’IEBC d’obtempérer à l’injonction de la Cour, qui réclamait l’accès à ses serveurs pour vérifier des accusations de piratage – affectant la transmission des résultats – formulées dans la plainte de l’opposition. « Notre ordonnance était une opportunité en or pour l’IEBC de présenter devant la Cour des preuves pour discréditer les affirmations du plaignant », l’opposant Raila Odinga, a déclaré la juge Mwilu.
L’IEBC avait justifié par un réseau internet limité le retard, voire l’absence, de nombreux procès-verbaux de bureaux de vote issus de zones reculées. La Cour suprême a rétorqué mercredi que l’IEBC aurait dû mettre en place « des systèmes de transmission alternatifs ».
« L’IEBC a outrageusement désobéi »
« Si l’IEBC n’avait rien à cacher, elle aurait volontiers fourni l’accès à ses serveurs informatiques et à l’historique de ses opérations, a-t-elle ajouté. Mais qu’a fait l’IEBC ? Elle a outrageusement désobéi à la Cour vis-à-vis de cette question cruciale. »
Les juges ont également noté l’absence de marques d’authentification ou de signatures d’assesseurs sur de nombreux procès-verbaux finalement publiés par l’IEBC après la proclamation des résultats, le 11 août. « S’il s’agissait de faux, qui les a introduits dans le système ? Et s’ils étaient authentiques, pourquoi étaient-ils différents des autres ? », a interrogé le président de la Cour suprême, David Maraga.
L’IEBC sera-t-elle en mesure d’organiser un second scrutin dans les temps ?
La Cour n’a d’autre choix que de conclure que « le système informatique a été infiltré et compromis, et que les informations s’y trouvant ont été modifiées, ou que des responsables de l’IEBC eux-mêmes ont modifié ces informations, ou que l’IEBC a gâché le système de transmission (des résultats) et n’a pas été en mesure de vérifier les informations ».
La Commission électorale a fixé au 17 octobre la date de la nouvelle présidentielle. Un délai très court, au vu des nombreux désaccords entre les différents acteurs sur la marche à suivre, qui laisse planer le doute sur la capacité de l’IEBC à organiser ce scrutin à temps.