#Ndondeza, un hashtag pour retrouver les disparus du Burundi

Alors que s’est achevé jeudi 28 mai à Genève la 112ème session du groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées, sur le terrain les organisations de la société civile burundaise s’efforcent de retrouver les personnes dont l’absence a été signalée par des proches. C’est ainsi que le hashtag #Ndondeza (« Aidez-moi à retrouver ! » en kirundi) s’est répandu comme une traînée de poudre sur Twitter.

Un militaire burundais à Bujumbura, le 8 novembre 2015. © Stringer/AP/SIPA

Un militaire burundais à Bujumbura, le 8 novembre 2015. © Stringer/AP/SIPA

Armel Bukeyeneza

Publié le 19 mai 2017 Lecture : 3 minutes.

Les jours se suivent et se ressemblent à Bujumbura : la paix – relative – est constamment troublée par des arrestations, des assassinats et des disparitions forcées. Ces dernières étaient au menu des discussions d’un panel d’experts des Nations unies rassemblés pendant dix jours à Genève, en Suisse, et qui se sont achevées jeudi 18 mai. À cette occasion, 29 pays confrontés à ce problème ont été passés en revue, dont le Burundi.

Sur le terrain, la société civile burundaise n’a pas attendu l’Onu pour passer à l’action : l’ONG Focode (Forum pour la conscience et le développement), interdite en octobre 2016 par le pouvoir après avoir manifesté son opposition au troisième mandat du président Pierre Nkurunziza, a lancé début avril 2016 une campagne baptisée « Ndondeza » (Aidez-moi à retrouver !).

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« Nous essayons de documenter les cas de disparitions forcées en rassemblant tout ce qui a été dit ou écrit dessus, en cherchant aussi des informations auprès des proches et de différentes institutions », explique Pacifique Nininahazwe. Cet activiste en exil, qui dirige la Focode, est à l’origine de la campagne Ndondeza. Trente cas signalés dans ce cadre ont fait l’objet d’une enquête, explique-t-il à Jeune Afrique. « Nous avons déjà reçu de la part des familles des informations sur 150 cas et nous continuons nos enquêtes », ajoute-t-il.

Un travail de fourmis         

L’opération Ndondeza, qui est devenue virale sur les réseaux sociaux, c’est aussi un travail de fourmis, impliquant « un réseau d’information dans la police, l’armée, et le renseignement », affirme celui que l’on surnomme ironiquement « Monsieur Ndondeza » dans certains cercles proches du régime. « L’enquête sur chaque cas prend beaucoup de temps puisque nous essayons de vérifier chaque élément auprès de plusieurs sources. Nous relisons tout ce qui a été écrit depuis l’arrestation de la personne », insiste Pacifique Nininahazwe.

Loin de mener seul la bataille, le Focode travaille de concert avec d’autres organisations, comme la ligue Iteka, elle aussi suspendue par les autorités. « Nous échangeons régulièrement des informations. Ndondeza est une grande contribution pour le pays et l’histoire », soutient Anschaire Nikoyagize, président de la ligue Iteka.

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Systématiquement, les cas de disparus traités par le Focode se heurtent au silence de Bujumbura : « Chaque dossier Ndondeza est envoyé, par mail, aux ministres Alain-Guillaume Bunyoni (Sécurité publique), Laurentine Kanyana (Justice), Pascal Barandagiye (Intérieur), Martin Nivyabandi (Droits de l’homme), au procureur général de la république, au patron du Service national de renseignement (SNR), au chef d’état-major de l’armée, au directeur général de la police, à la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) et à Willy Nyamitwe [conseiller à la présidence burundaise chargé de la communication, ndlr]. Personne ne répond à nos messages », déplore Pacifique Nininahazwe. « Je n’ai jamais vu de courriel de ce genre adressé à moi », rétorque Willy Nyamitwe, contacté par JA.

Un cas troublant

Un dossier en particulier défraie actuellement la chronique sous la bannière « Nondeza », celui du businessman Oscar Ntasano, ancien député du parti au pouvoir Cndd-Fdd, porté disparu depuis le 20 Avril dernier. D’après le Focode, il aurait été frappé de disgrâce par le pouvoir après avoir signé un contrat de location de son hôtel, le Nonora Beach Hôtel, avec les Nations unies. « Ntasano collaborait avec ceux qui veulent amener des troupes étrangères », aurait dit un membre influent du Cndd-Fdd, cité par Pacifique Nininahazwe dans une publication en date du 17 mai. Des dires qui n’ont pu être vérifiés par Jeune Afrique.

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La police rejette catégoriquement cette version, avançant plutôt, par la voix de son porte-parole Pierre Nkurukiye, la piste d’un lien entre la disparition du businessman et « un groupe d’escrocs qui se faisaient passer pour les agents du Service national de renseignements arrêtés début Mai à Ngozi, au nord du Burundi ». Pour Pierre Nkurikiye, Pacifique Nininahazwe – qu’il qualifie de « présumé criminel recherché par la Justice burundaise » – ne cherche qu’à fausser les pistes de l’enquête.

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