La pièce de Jean Genet Les Nègres était sous-titrée "clownerie". Cela n’empêche pas de trouver de la beauté et parfois même de la grâce dans la mise en scène colorée, dansante et jazzy de Robert Wilson. Genet avait indiqué que cette pièce, écrite dans les années 1950, devait être jouée devant un public blanc – ce qui est le cas à l’Odéon ; afin de montrer qu’un "Nègre" est un Noir vu à travers le prisme avilissant du racisme en pleine période coloniale.
Écrit en 1948, mais créé en octobre 1959, à l’aube des indépendances, "ce délire jugulé et qui se cabre", comme le définissait le dramaturge lui-même, repose sur une mise en abîme : les acteurs – tous Noirs – se divisent entre ceux de la "cour", grimés en Blancs (la reine, le gouverneur, le missionnaire, le juge), et les autres, qui se donnent en spectacle aux premiers. Les personnages (superbement interprétés) sont tour à tour magnifiques, émouvants et désopilants, et nous interrogent sur nos propres représentations de "l’autre".
Mais, comme souvent chez l’Américain Robert Wilson – l’une des stars du théâtre contemporain -, la mise en scène n’explique pas grand-chose, si bien qu’il est difficile de trouver un sens narratif à la pièce ; ce qui peut rebuter les non-initiés.
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Les Nègres, de Jean Genet, mise en scène de Robert Wilson, jusqu’au 21 novembre, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, à Paris. Tarifs : de 6 à 38 euros