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Mohamed Ould Abdelaziz a bien des atouts en main pour atteindre ses objectifs. © Michał Huniewicz/flickr

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Mauritanie : drôle de stratégie

Mis à jour le 18 mars 2015 à 18:32
Mehdi Ba

Par Mehdi Ba

Journaliste, correspondant à Dakar, il couvre l'actualité sénégalaise et ouest-africaine, et plus ponctuellement le Rwanda et le Burundi.

Mohamed Ould Abdelaziz a bien des atouts en main pour atteindre ses objectifs. © Michał Huniewicz/flickr

Plus puissant que jamais au sortir de deux années électorales qui auront vu son parti remporter haut la main, fin 2013, les scrutins législatifs et municipaux, avant que lui-même se fasse plébisciter à la présidentielle, Mohamed Ould Abdelaziz peut remercier ses opposants. En pratiquant de manière quasi unanime la politique de la chaise vide, les détracteurs du chef de l’État n’ont réussi qu’à conforter son assise. Et à faire oublier un peu plus son passé sulfureux d’ancien putschiste, déjà légitimé par sa première élection en 2009.

La posture atypique adoptée par l’ensemble des partis de l’opposition mauritanienne, désormais réunis au sein du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), ne manque pas de paradoxes. Lors des trois scrutins présidentiels organisés sous le règne de Maaouiya Ould Taya, entre 1992 et 2005, l’opposition a toujours fait acte de présence, même pour quelques miettes électorales.

Mais alors que la libéralisation – certes imparfaite – du régime semble lui offrir de plus grandes chances de succès, surtout en cas de candidature unique, elle déserte le champ électoral. Prétextant que sa participation reviendrait à cautionner une partie jouée d’avance, elle se prive pourtant de la possibilité de compter ses troupes et de modifier à son profit le rapport des forces avec le pouvoir.

Drôle de stratégie, qui aboutit à consolider le mal dénoncé, à savoir la mainmise d’Abdelaziz sur l’ensemble des rouages de l’État.

Drôle de stratégie, qui aboutit à consolider le mal dénoncé, à savoir la mainmise d’Abdelaziz sur l’ensemble des rouages de l’État. Désormais réélu et disposant d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale, le président mauritanien sort renforcé. Aux élections locales de 2013, la percée du parti islamiste Tawassoul, qui avait fait cavalier seul au sein de la coalition de l’opposition, avait pourtant permis de démontrer que, malgré les imperfections des opérations de vote, l’opposition aurait pu espérer renforcer son influence et faire entendre ses revendications.

Tandis que Mohamed Ould Abdelaziz, président en exercice de l’Union africaine, est cautionné par la communauté internationale pour son rôle pivot dans la lutte contre la menace jihadiste, le message de l’opposition mauritanienne hors des frontières de la République islamique est plus confus que jamais. D’autant qu’en 2009 les missions d’observation déployées par la communauté internationale s’étaient félicitées « du déroulement satisfaisant des procédures de vote ».

Trop légaliste pour revendiquer dans la rue une destitution qui, contrairement au Burkina Faso, ne pourrait s’appuyer sur le prétexte d’un tripatouillage constitutionnel, l’opposition est également trop échaudée par les coups d’État militaires à répétition pour souhaiter un renversement du chef de l’État. Convaincue d’avoir choisi la meilleure option en refusant, par défiance envers le pouvoir, de participer aux élections, elle semble s’être aventurée dans une impasse, pendant que son principal adversaire file sur une autoroute dégagée de toute contestation.