L’accusation est grave. Selon Saleh Kebzabo, le principal candidat de l’opposition à l’élection présidentielle du 10 avril, près de 60 militaires sont portés disparus pour ne pas avoir respecté la consigne de vote de l’armée en faveur du chef de l’État, Idriss Déby Itno.
« Le vote des forces de défense et de sécurité [qui s’est déroulé le 9 avril, NDLR] est totalement décrédibilisé car en l’absence d’isoloir, le scrutin était public, avec obligation pour les électeurs de voter Idriss Déby », a déclaré lundi 18 avril le président de l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR). « Ceux qui n’ont pas suivi ces consignes de leur hiérarchie, ajoute-t-il, ont été jetés en prison à l’exemple de Didéo Honoré, Moktar Mbaitolngar, Akoudoua Elkana pour n’en citer que quelques-uns. Il faut ajouter les cas de Allahramadji Fidèle porté disparu et Mbairari Ngaba, Batchéré Diguéthingué Acyl, Ndjédanoum Béosso et Béasnan Ngartidjé dont les corps ont été retrouvés. »
« C’est à travers ce sinistre décompte que j’ai été scandalisé d’apprendre l’existence d’une prison au sein même de la présidence », poursuit Kebzabo qui appelle à une enquête indépendante sur le vote des militaires.
« Sans nouvelle »
Plusieurs des militaires cités par Kebzabo sont aujourd’hui libres. C’est le cas de Didéo Honoré. Fonctionnaire de la police technique et scientifique, il affirme à Jeune Afrique avoir été détenu au commissariat central de N’Djamena pendant deux heures le 9 avril immédiatement après avoir voté au bureau de la chambre de commerce. « Tous ceux qui n’ont pas coché le candidat n°2, IDI, ont été emmenés. Nous étions treize dont Moktar Mbaitolngar, Akoudoua Elkana, raconte-t-il. C’est le porte-parole de la police qui est venu nous libérer. Nous sommes aujourd’hui surveillés de près. »
Joint au téléphone à N’Djamena, un parent du lieutenant Mbaïtoubam Prospère, qui aurait lui aussi disparu, dit, de son côté, que ce dernier est allé voté à la présidence le 9 avril à 11 heures avant de rentrer à la maison. Vers 18 heures, il a été rappelé à la présidence. Depuis, nous sommes sans nouvelle ».
Le gouvernement dénonce une manipulation
Jean-Bernard Padaré, le porte-parole du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir), estime que ces allégations ne sont qu’une manipulation d’un candidat qui tente de créer un soulèvement dans l’armée. « Si un militaire est parti en mission et qu’il n’a pas l’audace ou la gentillesse d’informer sa famille c’est son problème », a réagit dans les médias tchadiens le ministre de la Sécurité publique, Ahmat Mahamat Bachir. Un conseiller du chef de l’État indique de son côté « n’avoir aucune confirmation de la disparition de ces militaires ».