Maroc : l’histoire du prix de la liberté décerné à Mohammed V à titre posthume

En hommage à son action en faveur des juifs, l’ancien roi du Maroc Mohammed V a reçu, à titre posthume, un prix décerné par un institut de recherche basé aux États-Unis. Derrière cette consécration, deux hommes qui se connaissent bien : Peter Geffen et le conseiller royal, André Azoulay.

La princesse Lalla Hasna à la cérémonie de remise du prix de la Liberté décerné à titre posthume à son grand-père Mohammed V. © Maghreb Arab Press

La princesse Lalla Hasna à la cérémonie de remise du prix de la Liberté décerné à titre posthume à son grand-père Mohammed V. © Maghreb Arab Press

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 23 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Le 20 décembre, l’ambiance est solennelle à la synagogue B’nai Jeshurun, au coeur de New York. On célèbre la remise du « prix de la liberté Martin Luther King Jr-Rabbin Abraham Joshua Heschel » à l’ancien monarque marocain Mohammed V et « à son action honorable pour empêcher l’application des lois de Vichy sur ses sujets juifs lorsque le Maroc était sous protectorat français ».

C’est la soeur du roi actuel, la princesse Lalla Hasna, habillée d’un caftan juif brodé au fil d’or, qui a reçu ce prix au nom de la famille royale marocaine. Tandis que le conseiller de Mohammed VI, André Azoulay, a lu en anglais une lettre du souverain qui témoigne de l’honneur ressenti en apprenant que ce prix serait accordé à son grand-père.

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Etaient présents à cette cérémonie qui a réuni pas moins de 700 convives, des membres de la communauté juive américaine et marocaine, avec à leur tête le secrétaire général des Communautés israélites du Maroc, Serge Berdugo.

Un prix décerné pour la première fois

Si la cérémonie était grandiose, le prix décerné est inconnu du grand public. Et pour cause. Il vient à peine d’être créé par Peter Geffen, fondateur de l’Institut Kivunim, un des nombreux organismes américain de recherche sur les questions juives, qui servent aussi de lien entre Israël et d’autres pays – notamment les pays arabes – à travers des programmes d’échanges d’étudiants. « C’est la première fois que nous décernons ce prix à une personnalité. Nous voulons que Mohammed V devienne un modèle d’inspiration pour les jeunes générations », a déclaré Peter Geffen à Jeune Afrique.

Pour symboliser l’idée de la liberté, le prix associe, dans son intitulé, le leader noir américain Martin Luther King au rabbin Abraham Joshua Heschel. Rabbin et penseur juif américain d’origine polonaise, Abraham Joshua Heshel (1907-1972) s’est réfugié aux États-Unis pendant la deuxième guerre mondiale avant de s’engager dans la défense des populations afro-américaines aux côté de Martin Luther King. En associant ces deux noms, les initiateurs de ce prix voulaient mettre en avant « le combat commun d’un pasteur et d’un rabbin pour la liberté des peuples ».

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Le rôle joué par André Azoulay

Derrière ce prix décerné au monarque alaouite, il faut chercher une action soutenue des réseaux d’amitié américano-marocains. En 2010, Peter Geffen effectue un voyage au Maroc, à l’Université Al Akhawayne à Ifrane, dont l’un des administrateurs n’est autre que le conseiller du roi André Azoulay, lui-même issu d’une famille juive marocaine et très engagé dans le dialogue intercommunautaire et inter-religieux. Les deux hommes se connaissent depuis quelques années déjà. Le fondateur de l’Institut Kivinum veut rencontrer des étudiants marocains qui s’étaient mobilisés pour faciliter le dialogue entre les juifs et les pays arabes. Ils ont créé un groupe, le Mimouna Club, en référence à la fête populaire juive marquant la fin de la Pâque et qui célèbre les retrouvailles entre voisins.

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En septembre 2011, Mimouna Club et l’Institut Kivinum organisent dans l’enceinte même de l’Université Al Akhawayne une conférence sur l’Holocauste, la première dans un pays arabe. Elle est animée par plusieurs intellectuels marocains, dont André Azoulay. C’est d’ailleurs à Ifrane que Hassan II avait rencontré l’ancien Premier ministre israélien Shimon Perez en 1986. Et c’est aux côtés de l’ancien leader palestinien Yasser Arafat qu’il a également inauguré l’Université Al Akhawayne en 1995.

Intervenant en plein Printemps arabe, cette conférence sur l’Holocauste n’a pas eu de retentissement médiatique. Quelques rares journaux internationaux, dont le New York Times, y ont consacré un article, relatant un exemple rare de dialogue entre la communauté juive et les pays arabes.

Quid du titre « Juste parmi les nations »?

Grâce à sa conférence et à ses liens avec Azoulay, Peter Geffen a pu se faire entendre au Palais royal et faire accepter son idée de décerner un prix créé  » presque sur mesure  » pour Mohammed V en hommage à son action en faveur des juifs, une part de l’Histoire finalement assez peu connue.

Si cette consécration américaine a été chaleureusement accueillie par les Marocains, il n’en demeure pas moins que la plus grande distinction que ces derniers attendent reste la reconnaissance de Mohammed V comme « un Juste parmi les Nations », la plus haute décoration récompensant les personnes qui se sont portées au secours des juifs pendant la période nazie. « Décerné par un comité de grands rabbins, ce titre passe par plusieurs étapes de vérifications des faits historiques », explique une source marocaine. Mohammed V l’obtiendra-t-il un jour ?

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