Pollution de l’air : le point sur les villes africaines les plus irrespirables

Encore peu documentée sur le continent, la pollution de l’air y est pourtant un enjeu sanitaire majeur. Selon les données recueillies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), certaines villes africaines pourraient bientôt être autant polluées que les grandes mégalopoles asiatiques.

L’usine ArcelorMittal à Vanderbijlpark, au sud de Johannesburg, en Afrique du Sud. © ANDREAS JENSEN/AP/SIPA

L’usine ArcelorMittal à Vanderbijlpark, au sud de Johannesburg, en Afrique du Sud. © ANDREAS JENSEN/AP/SIPA

Publié le 17 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Selon les données fournies par les États, le seuil des PM 10 – particules fines dangereuses pour le système respiratoire – est dans les villes africaines sondées largement supérieur aux recommandations en vigueur. Toutes dépassent le seuil sanitaire conseillé, fixé à 20 microgrammes par mètre cube (µg/m3) en moyenne par an.

>> Les données recueillies par l’OMS ne concernent qu’une année. Survolez la ville de votre choix pour voir quel était le seuil moyen annuel de PM 10 à l’année indiquée. Nous avons choisi de mettre, pour comparaison, les taux recueillis en 2010 à Pékin et à New-Delhi, villes parmi les plus polluées au monde.

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Des mesures de qualité n’ont été initiées que dans une dizaine de villes de six pays. Quant aux autres pays, la pollution atmosphérique y est encore peu documentée. « La prise en compte du danger sanitaire de la pollution atmosphérique est très récente », explique Cathy Liousse, chercheuse au CNRS et coordinatrice du pôle « pollution de l’air et santé » au sein du programme Dacciwa, chargé, entre autres, de recueillir des données en matière de pollution atmosphérique sur le contient.

Une pollution sous-estimée

Premier enseignement du programme : la pollution atmosphérique en Afrique est largement sous-estimée. « Les mesures sont encore très peu développées. Quelques études sur la pollution de l’air ont été faites à Johannesburg après que des images satellites aient révélé des nuages de pollution mais nous avons été parmi les premiers à nous intéresser à la pollution des grandes villes du golfe de Guinée », explique Cathy Liousse.

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Depuis 2005, cette équipe africaine et française s’emploie donc à compiler un grand nombre de données et à réaliser des estimations, bientôt publiées. Et le résultat était déjà inquiétant en 2005. À Lagos, le taux de particules PM2.5 – les plus petites et donc très dangereuses pour le système respiratoire – était cinq fois supérieur aux préconisations internationales, fixées à 10 µg/m3 en moyenne par an :

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Activités humaines et poussières désertiques

Une pollution qui s’explique d’abord par les activités humaines urbaines. Circulation de vieux véhicules polluants, activités domestiques, incinération des déchets : autant de facteurs expliquant en grande partie les émissions de particules, de même que l’urbanisation et l’industrialisation galopante des grandes villes.

« Nous nous sommes rendus compte que 60% des PM 2.5 provenait des activités humaines à Lagos et Johannesbourg », souligne Cathy Liousse. Un taux en baisse pour Abidjan, Cotonou et Brazzaville et qui serait encore plus faible à Bamako, Ouagadougou et Dakar.

Mais les activités humaines ne sont pas les seules responsables de la présence de particules fines dans l’air. Les poussières désertiques ou encore les feux de brousse viennent grossir la concentration des particules fines dans l’air des villes du Sahel. À Dakar, les feux de brousse pourraient augmenter la concentration des particules de 30% à certaines périodes de l’année, selon des travaux menés par le Dacciwa.

Des impacts sanitaires déjà visibles

Les dégâts sanitaires sont quant à eux déjà visibles. Selon l’OMS, près de 700 000 personnes seraient mortes en 2012 des suites de la pollution sur le continent. Des estimations obtenues à partir de modélisations calquées sur l’Europe, et donc à prendre avec précaution. Car comme la pollution de l’air, les pathologies provoquées – troubles respiratoires, asthme,… – restent encore peu documentées, malgré une prise de conscience progressive comme en témoigne l’ouverture d’un centre de recherche ad hoc à Abidjan.

Car si rien n’est fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), l’Afrique pourrait devenir, selon les projections de l’équipe de Cathy Liousse, le continent le plus pollueur d’ici une quinzaine d’années. Ses émissions pourraient ainsi tripler et représenter entre 20 % et 55 % des émissions mondiales en 2030, contre 5 % à 20 % aujourd’hui.

Si ce scénario se confirme, la surmortalité liée à la pollution de l’air devrait elle aussi logiquement augmenter. D’après les calculs de Cathy Liousse, elle pourrait s’accroître de 30% d’ici 2030. Et affecterait particulièrement les populations des grands foyers d’émissions que sont l’Afrique du Sud, Le Caire, mais aussi les mégalopoles en devenir de l’Afrique de l’Ouest.

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