Les banques marocaines à la fête

Dix ans après leurs premières opérations d’expansion au sud du Sahara, les grands établissements chérifiens commencent à tirer les pleins bénéfices de leurs investissements. Le point.

Le siège de BMCE BOA, bientôt simplifié Bank of Africa, à Casablanca. © Cécile Tréal pour J.A

Le siège de BMCE BOA, bientôt simplifié Bank of Africa, à Casablanca. © Cécile Tréal pour J.A

Publié le 28 mai 2015 Lecture : 5 minutes.

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Un peu plus d’un an après la crise qui l’a ébranlé, le groupe panafricain renoue avec les performances. Mais il doit encore régler plusieurs problèmes pour se développer sereinement, notamment celui de sa gouvernance.

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Il y a à peine dix ans, les banques marocaines étaient invisibles sur les radars de la finance africaine. Rien à voir avec la situation d’aujourd’hui. Les Attijariwafa Bank (ATW), BMCE Bank ou encore Banque centrale populaire (BCP) sont désormais données en modèle au sud du Sahara. Via des acquisitions tous azimuts enclenchées dès 2005, elles ont pu se tailler une position de leader dans le paysage bancaire subsaharien. En Afrique de l’Ouest, elles ont par exemple damé le pion aux banques françaises, comme l’a souligné le cabinet de conseil en stratégie Nouvelles Donnes dans sa récente étude « Banking Survey Emerging Markets » : « Attijariwafa, la BMCE et la BCP détiennent près du tiers des agences de la zone, quand BNP Paribas et Société générale en possèdent à peu près 15 % », explique Jean-Marc Velasque, associé du cabinet international. Elles ont surtout su profiter de la croissance offerte par ces marchés au fort potentiel. Leurs résultats de l’année 2014 sont à ce titre édifiants.

Banco pour BMCE Bank

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Chez BMCE Bank, l’heure est à la fête. Les performances du groupe bancaire dirigé par Othman Benjelloun n’ont jamais été aussi bonnes qu’aujourd’hui, avec un bénéfice record de 2 milliards de dirhams en 2014 (183 millions d’euros). Une prouesse rendue possible grâce à la bonne tenue des activités au Maroc, mais aussi à la dynamique des filiales en Afrique subsaharienne. « L’Afrique subsaharienne représente plus du quart des résultats consolidés du groupe avec une contribution qui augmente de 19 % en moyenne par an depuis 2011 », signale la direction du groupe. C’est à ce moment-là que BMCE Bank avait lancé une stratégie spécifique pour développer ces marchés.

D’abord avec la montée dans le capital (de 59,4 % à 72,6 %) de Bank of Africa (BOA), vaisseau amiral du groupe au sud du Sahara. Ensuite à travers la densification du réseau. Depuis 2011, le groupe a ouvert pas moins de 116 agences en Afrique subsaharienne et a poursuivi son expansion dans des pays jusqu’alors non couverts, comme le Ghana, le Togo ou encore l’Éthiopie. « La taille du réseau bancaire de BOA a été quasiment triplée depuis son acquisition par BMCE Bank en 2008 », signale la direction, qui tient à souligner que la BMCE est à ce jour le seul groupe bancaire marocain qui couvre toutes les zones économiques d’Afrique subsaharienne. Cette stratégie s’est révélée payante.

Les bénéfices qu’ont générés pour la maison mère les activités africaines du groupe, qui emploie 5 000 personnes, étaient de 521 millions de dirhams en 2014, contre 504 millions en 2013. Ces activités ont représenté moins de 30 % du résultat net part du groupe en 2014, contre 41 % en 2013. Cette baisse s’explique par la montée en puissance de l’activité du groupe au Maroc, qui a dégagé à elle seule 1,2 milliard de bénéfices, soit presque deux fois plus qu’en 2013. Mais le meilleur reste à venir. Dans ses orientations stratégiques, le groupe affiche clairement sa volonté de poursuivre son développement au sud du Sahara, via l’ouverture de nouvelles agences dans les pays où BOA est déjà implantée, mais surtout en poursuivant une croissance externe ciblée notamment en Afrique centrale et en Afrique de l’Est. Objectif : faire monter la contribution des filiales africaines aux revenus du groupe à plus de 40 % d’ici aux trois prochaines années. 

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Banque populaire au galop

Le groupe Banque populaire, dirigé par Mohamed Benchaâboun, n’est pas en reste. Deuxième banque du pays après Attijariwafa Bank, elle est présente en Afrique subsaharienne depuis au moins vingt ans, à travers ses deux filiales, en Guinée-Conakry et en Centrafrique (BP maroco-centrafricaine et BP maroco-guinéenne). Mais son véritable élan au sud du Sahara a été pris en 2012, à travers le partenariat capitalistique scellé avec l’ivoirien Atlantique Financial Group. Un partenariat qui a donné naissance à un holding commun (Atlantic Business Group) dont la BP détient 65 % et qui lui a permis de faire son entrée, en un seul coup, dans sept pays de l’UEMOA : Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali, Burkina Faso, Niger, Bénin et Togo. Des pays où la direction de la BP s’est investie massivement pour dupliquer son modèle marocain. Le résultat est à la mesure des efforts déployés : le produit net bancaire (PNB) du réseau Banque Atlantique a contribué en 2014 à hauteur de 14 % au PNB du groupe, qui s’est fixé, lui, à plus de 14 milliards de dirhams.

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Avec un portefeuille de 485 500 clients, un total dépôt de 21,9 milliards de dirhams, les crédits distribués dans ces sept pays par le groupe bancaire ont progressé de 21 %, dépassant la barre des 20 milliards de dirhams. Le PNB des filiales africaines a ainsi progressé de 26 % en un an, à plus de 2 milliards de dirhams. Et cela ne fait que commencer : « Notre objectif est d’atteindre 15 % de hausse annuelle des bénéfices d’ici à 2018 », avait annoncé le PDG du groupe, Mohammed Benchaâboun. Comment ? En appliquant la même recette qu’au Maroc : densification du réseau, innovation, mais aussi ciblage des couches les plus populaires. À peine installé en Afrique, le groupe s’est d’ailleurs créé un instrument pour cela : Atlantic Microfinance, une nouvelle filiale consacrée au financement des petits projets en Afrique subsaharienne, un peu à l’image de ce que fait Attawafiq Micro Finance dans le royaume.

ATW, peut mieux faire

Attijariwafa Bank, qui était absente du continent avant 2005, a engrangé en 2014 pas moins de 5,18 milliards de dirhams de produit net bancaire via ses activités africaines. Des revenus en progression de 8,3 % par rapport à 2013 et qui représentent désormais plus de 26 % des revenus consolidés du groupe. Une contribution qui aurait pu être meilleure, mais qui a été gênée par « la mauvaise conjoncture dans certains marchés bancaires africains, marquée par une forte augmentation du taux de contentieux », comme l’a souligné la direction du groupe lors de la présentation de ses résultats en février 2015 à Casablanca. Côté bénéfices, le groupe affilié au holding royal SNI a réalisé en 2014 un résultat net part du groupe de 4,4 milliards de dirhams.

À elles seules, les activités africaines y ont contribué à hauteur de 15 %, avec un bénéfice cumulé de 678 millions de dirhams. Des bénéfices qui ressortent en baisse par rapport à l’année 2013. Dans une note de recherche publiée le 19 février, les analystes de CFG Group, une banque d’affaires marocaine indépendante, soulignent ainsi que « la contribution de la banque de détail à l’international au résultat net part du groupe affiche une baisse de 21 % par rapport à 2013, en raison de la décélération de la croissance de l’activité au niveau des filiales en Afrique subsaharienne ». Preuve de cette décélération : la croissance des prêts et créances sur la clientèle dans cette zone atteint à peine 5,2 % en 2014, contre 22,9 % un an plutôt.

Le groupe dirigé par Mohamed Kettani continue en somme de tirer profit de ses activités africaines, mais peut encore mieux faire. Il est en tout cas décidé à poursuivre son africanisation, en étendant sa présence à des zones jusque-là non couvertes, comme l’Afrique anglophone et lusophone. Présent actuellement dans treize pays d’Afrique subsaharienne en plus de la Tunisie, en Afrique du Nord, ATW dispose de l’un des réseaux les plus denses du continent, avec 208 agences au Maghreb, 312 en Afrique de l’Ouest et 102 en Afrique centrale.

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