Pourquoi les banques nigérianes peuvent surmonter la baisse du pétrole

La part de l’industrie des hydrocarbures dans l’ensemble des prêts des plus grands établissements a doublé depuis la chute des cours du baril de 2008. Mais le secteur est mieux armé pour affronter la crise.

A Lagos, le baril est tombé à 48 dollars en janvier 2015. © DR.

A Lagos, le baril est tombé à 48 dollars en janvier 2015. © DR.

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Publié le 28 mai 2015 Lecture : 3 minutes.

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Un peu plus d’un an après la crise qui l’a ébranlé, le groupe panafricain renoue avec les performances. Mais il doit encore régler plusieurs problèmes pour se développer sereinement, notamment celui de sa gouvernance.

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À Lagos, la chute du cours de l’or noir, tombé de 114 dollars le baril en juin 2014 à 48 dollars en janvier 2015 (de 101,70 à 42,80 euros), a réveillé le spectre de la terrible année 2009. À l’époque, le recul du prix du pétrole – passé de 146 dollars à 36 dollars entre juillet et décembre 2008 – avait considérablement réduit les recettes publiques et entraîné deux dévaluations du naira. La Bourse de Lagos avait perdu 70 % de sa valeur, et la part des créances en souffrance du secteur bancaire était passée de 6 % à 28 %, selon les estimations du Fonds monétaire international. Pour stabiliser le secteur bancaire, la Banque centrale du Nigeria avait dû injecter 620 milliards de nairas (2,7 milliards d’euros) de liquidités et forcer un changement de direction au sein de huit banques, rappelle Lamido Sanussi, son gouverneur d’alors.

noreferrer" target="_blank" class="jcepopup icon-left" type="image">Cliquez sur l'image. Si le recul du cours du pétrole depuis juin 2014 est moins sévère que celui de 2008, le contexte est plus délicat : la part de l’industrie des hydrocarbures dans le portefeuille de prêts des dix premières banques nigérianes a doublé en six ans, passant de 11 % à 24 % mi-2014, révèle Dolapo Oni, spécialiste de l’énergie au sein d’Ecobank. Ce secteur représente aujourd’hui 40 % du portefeuille de prêts de First Bank, la première banque du pays en matière d’actifs. « Cette fois, les choses sont différentes », affirme Adesoji Solanke, en référence à la crise de 2009 entraînée par la chute des cours. Dans une note transmise à Jeune Afrique, ce spécialiste du secteur bancaire subsaharien de la banque d’affaires Renaissance Capital rappelle que « les principaux portefeuilles ayant enregistré une hausse des créances douteuses du secteur bancaire nigérian en 2009 » (le secteur aval du pétrole et du gaz, les PME, les prêts commerciaux et les prêts sur marge) sont « proportionnellement moins importants aujourd’hui ».

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Indigénisation

De fait, la croissance des prêts au secteur des hydrocarbures est le fruit d’une stratégie délibérée, construite en accord avec la politique d’indigénisation de l’industrie pétrolière et gazière poursuivie par le gouvernement fédéral. Les banques nigérianes ont ainsi apporté plus de 2,5 milliards de dollars aux entreprises du pays pour l’acquisition des actifs (essentiellement des champs pétroliers onshore) cédés par des géants mondiaux tels que Shell et Total, selon les estimations de Nnamdi Okonkwo, directeur général de Fidelity Bank. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a aucune raison de s’inquiéter. Loin de là ! Selon la Banque centrale du Nigeria, entre juin et décembre 2014, la part de l’industrie des hydrocarbures parmi les créances en souffrance du secteur bancaire a grimpé de 170 points de base, pour atteindre 25,70 %. Entre mi-décembre 2014 et début mai 2015, le prix du baril de pétrole est resté en dessous de 60 dollars, le niveau minimum pour que les entreprises du secteur pétrolier et gazier nigérian puissent maintenir leurs liquidités et assurer le service de leur dette, souligne Dolapo Oni. 

Plus de 2,5 milliards de dollars ont été apportés pour l’acquisition des actifs cédés par Shell et Total. 

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Pour autant, l’analyste d’Ecobank ne s’attend pas, lui non plus, à une réédition de la débandade de 2009. « Certains prêts seront certes restructurés et les paiements rééchelonnés pour tenir compte de l’évolution des revenus des entreprises pétrolières. Mais aujourd’hui le secteur bancaire est mieux capitalisé, et les banques connaissent mieux l’industrie des hydrocarbures », souligne-t-il. De fait, la part des créances douteuses de l’industrie bancaire nigériane a baissé durant le second semestre de 2014, passant de 3,5 % à 2,88 %.

Fin 2014, l’agence de notation Fitch Ratings s’inquiétait de l’impact de la dévaluation du naira et du durcissement de la politique monétaire du Nigeria sur la hausse des crédits octroyés par le secteur bancaire ; fin avril, elle notait au contraire la surprenante résistance du secteur non-pétrolier, de l’industrie des services et de la consommation privée, qui soutiennent la demande de prêts. Et, selon Renaissance Capital, les crédits accordés par les banques nigérianes devraient croître de 10 % à 15 % cette année. 

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