C’est une guerre qui ne dit pas son nom, et qui a donc été annoncée à l’Assemblée nationale sénégalaise sans débat préalable. Le 4 mai, Mankeur Ndiaye, le ministre des Affaires étrangères, informait les députés de l’envoi prochain d’un contingent de 2 100 soldats sénégalais à la frontière entre l’Arabie saoudite et le Yémen, dans le cadre de l’opération Redonner l’espoir menée contre les milices houthistes (chiites), soutenues par l’Iran.
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Objectif revendiqué : "Faire face à la menace qui pèse sur l’intégrité territoriale de l’Arabie saoudite et sur les lieux saints de l’islam", tout en honorant les "relations exceptionnelles d’amitié et de coopération entre le Sénégal et l’Arabie saoudite". Une argumentation qui laisse sceptiques de larges franges de l’opinion et de la classe politique sénégalaises, d’autant que la feuille de route des Diambars ("guerriers" en wolof) reste, pour l’heure, énigmatique.
"Leur mandat sera fixé en temps voulu par le commandement saoudien de la coalition", fait-on savoir à la présidence. "Notre grande armée mérite mieux que d’être réduite à une légion étrangère de mercenaires pour les Saoudiens", ironisait, au lendemain de l’annonce, l’analyste politique Yoro Dia.
Pourquoi intervenir dans "une guerre civile intérieure", s’interrogeait quant à elle la députée socialiste Aïssata Tall Sall, tandis que sa collègue libérale Aïda Mbodj évoquait "un risque [de représailles] auquel on expose le Sénégal".
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Partenariat
Ce zèle à intervenir si loin de ses frontières alimente les conjectures, le Sénégal étant le seul État d’Afrique subsaharienne – à l’exception du Soudan – à rallier une coalition exclusivement composée de pays arabes.
Et chacun de s’interroger sur les contreparties qui ont pu conduire Dakar à accéder sans hésiter à la requête que le roi Salman Ibn Abdelaziz Al Saoud avait formulée début avril, lors du voyage officiel du président Macky Sall en Arabie saoudite, concernant la contribution militaire du Sénégal.
Le président sénégalais avait alors célébré la vigueur du "partenariat" entre les deux pays, "à travers d’importants projets dans les domaines des infrastructures, de l’agriculture irriguée, de la santé et de l’appui budgétaire", tout en annonçant leur décision commune de "promouvoir l’investissement saoudien privé au Sénégal".
Décoré de la plus haute distinction du royaume, Macky Sall s’était réjoui du soutien saoudien apporté à son Plan Sénégal émergent (PSE), rappelant au passage que la Banque islamique de développement (basée à Djeddah) est le plus gros portefeuille en matière d’engagements financiers pour la réalisation de ce programme.