Zimbabwe : quand Bob Marley et Robert Mugabe célébraient l’indépendance de la dernière colonie européenne d’Afrique

Le Zimbabwe a arraché son indépendance dans la douleur, après plus de dix années de lutte armée. Le jour de l’accession de l’ex-Rhodésie du Sud à la souveraineté nationale, le célèbre chanteur de reggae décédé le 11 mai 1981 était là, sur scène, face à Robert Mugabe.

Bob Marley et Robert Mugabe. © Photomotaneg / Photos : AP/SIPA

Bob Marley et Robert Mugabe. © Photomotaneg / Photos : AP/SIPA

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Publié le 10 mai 2021 Lecture : 2 minutes.

Bob Marley lors d’un concert à Paris, le 4 juillet 1980. © Langevin/AP/SIPA
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Bob Marley, indétrônable icône du reggae

Le 11 mai 1981, à Miami, un cancer mal soigné emportait Bob Marley, à l’âge de 36 ans. Quarante années plus tard, alors que les étoiles de la musique ont tendance à disparaître aussi vite qu’apparues, l’icône du reggae demeure une référence dont on écoute les tubes avec nostalgie – même si les chanteurs se revendiquant de son héritage se font de plus en plus rares.

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Le 18 avril 1980, le Zimbabwe accédait à l’indépendance. Une souveraineté célébrée fièrement dans le stade Rufaro, au cœur de Highfield, le township de la capitale Salisbury (l’actuel Harare). Ce jour-là, dans la nuit du jeudi 17 au vendredi 18 avril 1980, Bob Marley et les Wailers agrémentent la soirée. Ils interprètent entre autres Zimbabwe, cet appel vibrant au panafricanisme.

Invités de marque

Le moment est éminemment historique : la dernière colonie européenne sur le continent s’apprête à rentrer dans le concert des États libres. Des personnalités et représentants de 100 pays, dont 11 chefs d’État, ont fait le déplacement. Un parterre d’invités de marque dont le prince Charles du Royaume-Uni, lord Hoames, le dernier gouverneur du pays, Kurt Waldheim, le secrétaire général de l’ONU, Edem Kodjo, celui de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), le président zambien Kenneth Kaunda ou la Première ministre indienne Indira Gandhi.

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Le stade est comble. Plus de 35 000 personnes enthousiastes assistent à la cérémonie. Des milliers d’autres sont bloquées à l’extérieur, voire dispersées par des gaz lacrymogènes, l’enceinte ne pouvant accueillir toux ceux qui veulent à tout prix assister à la disparition de la dernière parcelle de l’empire britannique sur le continent.

À minuit, dans un silence absolu, l’Union Jack descend du grand mât installé au milieu du stade et la laisse place au drapeau quadricolore du jeune État. La Rhodésie du Sud devient le Zimbabwe. Pour de vrai, cette fois-ci. Car à deux reprises, l’indépendance proclamée n’avait pu obtenir une quelconque reconnaissance internationale.

« Minorité colonisatrice raciste »

Il en futainsi de celle décrétée unilatéralement par la Rhodésie du Sud sous le nom de Rhodésie le 11 novembre 1965 par Ian Smith, alors Premier ministre (la Rhodésie du Nord était devenue indépendante un an plus tôt sous le nom de Zambie). Ni la métropole britannique ni aucun État ne l’avait alors reconnue. Les résolutions 216 et 217 du Conseil de sécurité de l’ONU avaient même qualifié la démarche de Ian Smith d’ »usurpation de pouvoir par une minorité colonisatrice raciste ».

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La position de l’ONU sera la même envers le pouvoir de Mgr Abel Muzorewa, nationaliste opposé à la lutte armée qui succéda à Ian Smith en 1979, après des élections législatives boycottées par les mouvements de guérilla : la Zanu de Robert Mugabe (Zimbabwe African National Union) et la Zapu de Joshua Nkomo (Zimbabwe People’s National Union).

Le prince Charles (droite), le Premier ministre Robert Mugabe (gauche) et le gouverneur britannique Christopher Soames à Salisbury, le 17 avril 1980. © AP/SIPA

Le prince Charles (droite), le Premier ministre Robert Mugabe (gauche) et le gouverneur britannique Christopher Soames à Salisbury, le 17 avril 1980. © AP/SIPA

Il aura donc fallu donc une longue lutte de libération, entamée en 1966, pour voir la Rhodésie accéder véritablement à l’indépendance. En octobre 1979, Abel Muzorewa accepte de remettre à nouveau la souveraineté de son pays à la Couronne britannique pour que le processus conserve des formes légales du point de vue international.

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Les accords de Lancaster House sont signés, le 21 décembre 1979, à Londres, entre les délégués des guérilleros rassemblés dans le Front patriotique (Robert Mugabe et Nkomo, notamment), les représentants du gouvernement de Salisbury et les autorités britanniques. Ils consacreront une indépendance si longtemps attendue.

>> Lire aussi : Robert Mugabe et ses multiples casquettes

Adieu le régime raciste de Ian Smith et la colonisation britannique, qui auront fait plus de 25 000 morts en 90 ans d’oppression. Place à une nouvelle ère. Celle du président Canaan Banana et, surtout, de son Premier ministre Robert Mugabe, l’ancien chef de la guérilla, dont le parti a remporté les législatives organisées un mois avant l’indépendance.

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