Côte d’Ivoire : Simone Gbagbo, la prison, l’amnistie ou la CPI

Peu avant d’être condamnée à vingt ans de prison, l’ex-première dame de Côte d’Ivoire s’est dite prête à « pardonner », pour le bien du pays. Ouattara en fera-t-il autant en jouant la carte de l’amnistie ?

Simone Gbagbo lors de l’ouverture du procès le 26 décembre 2014, à Abidjan. © Sia Kambou/AFP

Simone Gbagbo lors de l’ouverture du procès le 26 décembre 2014, à Abidjan. © Sia Kambou/AFP

Publié le 19 mars 2015 Lecture : 3 minutes.

Immarcescible Simone Gbagbo. Le 10 mars, quand la cour d’assises d’Abidjan l’a condamnée à vingt ans de prison ferme pour "attentat à l’autorité de l’État, participation à un mouvement insurrectionnel et trouble à l’ordre public", l’ex-première dame de Côte d’Ivoire, 65 ans, n’a pas flanché. Écoutant un à un, sans rien laisser paraître, les mots d’une sentence massue comprenant aussi dix ans de privation de droits civiques et 965 milliards de F CFA (1,47 milliard d’euros) de dommages et intérêts, qu’elle devra verser à l’État ivoirien avec ses 78 coaccusés – dont son beau-fils, Michel Gbagbo, condamné à cinq ans de prison. Pour le moment, aucun indice n’a filtré sur son futur lieu de détention. En décembre, après avoir passé quatre ans en résidence surveillée à Odienné (Nord-Ouest), elle avait été transférée à Abidjan, où elle est toujours détenue dans une école militaire.

"Étant donné que le parquet requérait dix ans de prison, elle s’attendait à une peine lourde, explique son avocat Ange Rodrigue Dadjé. Mais aujourd’hui elle est sereine et satisfaite. Car ce procès, même s’il a été purement politique, lui a permis de donner sa part de vérité. Le monde entier a pu voir qu’elle n’a commis aucune infraction, qu’il n’y a rien, ni faits ni preuves, dans ce dossier." Quelques heures avant que la cour ne délibère, l’épouse de Laurent Gbagbo avait pourtant tenté de jouer l’apaisement, à grand renfort d’extraits bibliques, se disant prête à "pardonner" pour le bien du pays. "Ne regardez pas nos douleurs, ni les plaies qu’il y a dans nos coeurs, dans nos corps. Laissons Dieu les soigner", avait-elle lancé aux jurés, rompant avec le ton incisif dont elle avait usé lors de son audition, le 23 février, pour dénoncer le rôle de la France pendant la crise postélectorale et affirmer que son époux était "le vainqueur de la présidentielle de 2010".

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Alors que pour certains la verve de l’ancienne militante n’a fait que réveiller de vieilles rengaines nuisibles au processus de réconciliation nationale, pour d’autres, elle a prouvé que Simone est toujours là. "J’étais très fier de la voir se défendre ainsi, témoigne Laurent Akoun, baron du Front populaire ivoirien (FPI). C’était presque celle d’antan, l’enseignante de formation, avec un grand sens de la pédagogie. Même si elle a été en deçà de ce qu’elle avait l’habitude de donner… et de ce qu’elle peut encore donner." Histoire de rappeler que Simone Gbagbo n’est pas femme à abandonner la bataille, surtout quand il existe encore un recours. Ses avocats comptent se pourvoir en cassation.

La grâce et l’amnistie : un scénario qui pourrait mettre du temps à se concrétiser

Un recours… ou deux portes de sortie dont seul Alassane Ouattara a les clés : l’amnistie ou la Cour pénale internationale (CPI). En début d’année, le président a évoqué la première hypothèse : "Tous les cas seront jugés et une fois que nous aurons les jugements, bien évidemment, le chef de l’État a un certain nombre de prérogatives, en matière de grâce et d’amnistie, à proposer à l’Assemblée nationale." Un scénario toujours sur la table, selon des proches du président, mais qui pourrait mettre du temps à se concrétiser. Car Simone Gbagbo est visée par une autre instruction en cours, concernant cette fois-ci les crimes de sang – pour lesquels elle est justement réclamée à La Haye (Pays-Bas), où est déjà jugé son mari.

"Ce verdict ne change rien à la situation de Simone Gbagbo vis-à-vis de la CPI, puisque celle-ci la poursuit pour des crimes [notamment contre l’humanité] qui ne sont pas ceux pour lesquels elle vient d’être condamnée, explique Pascal Turlan, conseiller au bureau de la procureure de la CPI. La Côte d’Ivoire doit donc toujours remettre Mme Gbagbo à la CPI, en vertu de la décision de la chambre préliminaire de la Cour." Réplique de Jean-Paul Benoit, avocat de l’État ivoirien, qui a fait appel de cette décision en arguant que la Côte d’Ivoire était en mesure de juger l’accusée : "Une réunion de travail est prévue dans les prochains jours à La Haye. À cette occasion, nous verserons de nouveaux éléments au dossier, qui concerneront notamment la réforme du code pénal ivoirien, lequel fera apparaître, entre autres, la notion de crime contre l’humanité." Le feuilleton judiciaire continue.

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