Dans ce dossier
Ceux qui font bouger l
Mohammed rapporta un jour à ses compagnons qu’au moment du Jugement dernier Dieu leur demanderait des comptes non seulement pour leurs actes, mais aussi pour leurs pensées. Accablés par une charge si lourde à porter, ils vinrent confier leur désarroi au Prophète, qui ne put que leur répondre : « C’est ainsi que le verset m’a été révélé. »
Dieu, heureusement, vint à leur secours et abrogea le verset.
En relatant cet épisode dans Penser le Coran, ouvrage qui vient de sortir chez Grasset, Mahmoud Hussein (pseudonyme des deux politologues franco-égyptiens Bahgat Elnadi et Adel Rifaat) pose cette question essentielle : si les premiers musulmans pouvaient demander à Dieu de changer d’avis, comment affirmer, quatorze siècles plus tard, que tout le Coran est à prendre au pied de la lettre ?
Et pourtant ! C’est en citant à tort et à travers tel ou tel passage obscur du Livre saint que certains – les islamistes pour ne pas les nommer – justifient le port du voile, la lapidation de la femme adultère, la condamnation à mort des apostats ou encore l’action des kamikazes qui tuent indifféremment militaires et civils, enfants et vieillards.
C’est contre ces aberrations auxquelles conduit une lecture littérale du Coran ainsi que des autres textes fondateurs qu’un nombre grandissant d’universitaires musulmans partent aujourd’hui en guerre. Philosophes, historiens, juristes, politologues, tous ont le même projet : relire à la lumière de la raison et des dernières connaissances scientifiques des textes réputés intouchables.
La littérature sur l’islam abonde depuis quelques années. Mais ce n’est pas au nombre des livres publiés que se mesure l’importance intellectuelle d’un auteur. Dans les pages qui suivent, nous présentons ceux que les spécialistes considèrent comme les nouveaux penseurs de l’islam et tentons d’expliquer les différentes démarches que les uns et les autres ont choisies pour montrer que leur religion peut et doit s’adapter à la modernité.