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Trois milliards de voitures

Mis à jour le 15 juin 2009 à 14:44
Béchir Ben Yahmed

Par Béchir Ben Yahmed

Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu'à son décès, le 3 mai 2021.

J’ai déjà traité, ici, de l’industrie automobile mondiale et indiqué qu’elle souffrait, principalement, d’une flagrante surcapacité de production : à l’heure actuelle, on peut produire 90 millions de voitures par an, mais la demande atteint péniblement 60 millions. Il faut donc fermer plusieurs dizaines d’usines, à commencer par celles situées dans les pays d’Europe et d’Amérique où la main-d’œuvre est la plus chère…

Dans la dizaine de pays qui ont le privilège d’avoir encore une industrie automobile, celle-ci emploie plusieurs centaines de milliers d’ingénieurs, de contremaîtres et d’ouvriers. Partout dans le monde, les utilisateurs se comptent, eux, par centaines de millions : autant dire que nous sommes tous concernés par son devenir.â

 

Les chiffres donnent le vertige.

Dans le monde entier, la voiture est le premier gros achat qu’effectue une famille lorsque son revenu annuel dépasse 5 000 dollars en termes de pouvoir d’achat. C’est donc dans les pays en développement que le nombre d’acheteurs de voiture va s’accroître le plus et le plus vite.

Le FMI prévoit que le monde comptera quelque 3 milliards de voitures en 2050 – une pour trois personnes –, contre 700 millions aujourd’hui.

Dans cinq à six ans, en 2015, les Chinois produiront et vendront plus d’autos que les Américains.

Et, dans quarante ans, ils auront autant de véhicules qu’il en existe dans le monde entier aujourd’hui.

Le président de Renault et de Nissan, Carlos Ghosn, exprime le point de vue de ses confrères lorsqu’il déclare :

« L’Europe est déjà en récession. Le Japon est en récession. Même les marchés émergents – la Russie, le Brésil – connaissent des difficultés. Il semble bien que la Chine soit le seul pays où il y ait un espoir de réelle croissance. […]

Mais toutes les crises ont une fin.

Je ne pense pas que tout le monde de l’automobile s’en sortira, mais ceux qui survivront auront un boulevard devant eux, parce que les gens auront encore plus besoin d’acheter des voitures. »

 

Ce qu’il dit entre les lignes est résumé par cette boutade qu’on se répète en ce mois de juin 2009 dans les cercles économiques du monde : « Le capitalisme a sauvé la Chine et l’a sortie du sous-développement à partir de 1979 ; l’Histoire dira sans doute que c’est la Chine, toujours dirigée par un parti communiste, qui, en 2009 et dans les années suivantes, a sauvé le capitalisme. »

 

Symbole de ce capitalisme, l’industrie automobile : il semble acquis que, dans dix ans, son centre mondial ne sera plus ni à Detroit, aux États-Unis, ni à Turin, en Italie. Mais dans des métropoles chinoises et indiennes.

Décidément, ce XXIe siècle sera asiatique.