L’appel du sud

Depuis son accession au trône, Mohammed VI multiplie les voyages sur le continent, où le royaume étend son influence et renforce sa présence, tant politique qu’économique.

Le roi du Maroc lors de sa tournée africaine de 2006, avec Joseph Kabila à Kinshasa © AFP

Le roi du Maroc lors de sa tournée africaine de 2006, avec Joseph Kabila à Kinshasa © AFP

Publié le 3 novembre 2009 Lecture : 5 minutes.

Le Maroc à la conquête de l’Afrique
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Le Maroc à la conquête de l’Afrique

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S’il est une chose qui a le don d’irriter les autorités marocaines, c’est la présence du représentant de la République arabe sahraouie démocratique (RASD, émanation du Front Polisario), Mohamed Abdelaziz, aux festivités africaines. Et ce dernier a récemment fait preuve d’un certain talent pour participer coup sur coup à deux événements très médiatisés : le quarantième anniversaire de la révolution libyenne, le 1er septembre, à Tripoli, et l’investiture du nouveau président bissau-guinéen, Malam Bacaï Sanha, le 8 septembre, à Bissau. Rabat a naturellement exprimé son courroux et demandé des explications : Kadhafi, qui ne veut pas se mettre à dos un pays avec lequel il entretient de bonnes relations, a indiqué qu’Abdelaziz s’était « auto-invité à la suite d’une réunion de l’Union africaine » ; quant au président Bacaï, il a fait savoir qu’il avait refusé de lui serrer la main…

« C’est toujours le même problème, explique un diplomate marocain. L’Algérie emmène les représentants du Polisario dans ses bagages et use de son aide financière pour les imposer sur la photo officielle, parfois même à l’insu des États lançant les invitations. » Cette guerre d’influence menée sur la scène africaine perdure depuis le retrait espagnol du Sahara, en 1975, et a conduit le Maroc à quitter, en 1984, l’Organisation de l’unité africaine (OUA, devenue depuis Union africaine, UA) lorsque cette dernière a reconnu et accueilli parmi ses membres la RASD. Depuis, les diplomates marocains n’ont eu de cesse de rallier les États africains à leur thèse. Avec un certain succès.

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Une quinzaine de pays africains sont en effet revenus sur leur reconnaissance de la RASD (dont Madagascar, les Seychelles, le Cap-Vert, la Sierra Leone, le Malawi, pour ne citer que les retraits de ces dernières années), et d’autres, s’ils continuent de reconnaître la République de Tindouf ou n’ont que « gelé » leurs relations avec elle, affichent dorénavant une relative neutralité (notamment le Zimbabwe, le Botswana, la Tanzanie, le Ghana, le Nigeria). Ainsi, alors qu’ils étaient plus d’une vingtaine dans les années 1980, seule une dizaine de pays du continent continuent de reconnaître officiellement la RASD, parmi lesquels les poids lourds algérien et sud-africain… Ce qui n’empêche pas le royaume de développer avec eux des relations politiques et commerciales de plus en plus soutenues, notamment en multipliant les contacts avec l’équipe du président Jacob Zuma, qui, de son côté, souhaite aussi normaliser les relations entre Rabat et Pretoria. Une stratégie identique est employée à l’égard du Zimbabwe, qui s’appuie sur les relations avec le nouveau Premier ministre, Morgan Tsvangirai.

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Mohammed VI entretient par ailleurs les partenariats historiques du royaume. Dès la fin de septembre, il s’est empressé de féliciter son ami Ali Bongo Ondimba en réitérant sa « ferme volonté d’œuvrer de concert avec le président gabonais pour consolider leurs excellentes relations et leur conférer une nouvelle dynamique à même d’en faire un exemple de coopération Sud-Sud ». Parmi les fidèles alliés du Maroc, on compte également les deux Congos, la Guinée équatoriale, la Guinée-Conakry, la Mauritanie et le Sénégal, même si les relations avec Dakar sont parfois passionnelles. Le roi soutient aussi de manière personnelle le président ivoirien, Laurent Gbagbo, qui passe régulièrement ses vacances au Maroc.

Depuis son accession au trône, il privilégie cette diplomatie d’influence à l’égard du sud du continent et a effectué six grandes tournées en Afrique, au cours desquelles il a visité douze pays, le dernier étant la Guinée équatoriale, en avril. Lors du premier sommet Afrique-Union européenne, en 2000, Mohammed VI donnait le ton et le signal des nouvelles ambitions du Maroc en Afrique en annonçant, au nom de la coopération Sud-Sud, sa décision d’annuler la dette des pays les moins avancés (PMA) d’Afrique subsaharienne et d’exonérer leurs produits de droits de douane à l’entrée du marché marocain. Un an tout juste après la conférence extraordinaire des PMA de Rabat, lors de sa tournée au Bénin, au Cameroun, au Gabon, au Niger et au Sénégal, en juin 2004, il a signé avec chacun des États des conventions portant sur la « non-double imposition » (qui évite aux sociétés de payer deux fois l’impôt) et encourageant les investissements.

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Au cours de ses visites, le roi signe des accords de coopération bilatérale dans les domaines de l’éducation, du tourisme, de l’agriculture, de l’eau, de la recherche, de la santé, de la promotion des investissements… un partenariat orchestré par l’Agence marocaine de coopération internationale (Amci) et qui balise le terrain pour les entreprises du pays.

Une coopération multiforme et novatrice

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Cette aide fournie par le royaume au sud du Sahara se chiffre entre 2 et 3 milliards de dirhams (180 à 268 millions d’euros) par an, principalement au bénéfice des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Actuellement, le Maroc enregistre une forte demande de la part de ces derniers, notamment en matière de formation des cadres, de contribution au financement, à la conception et à la réalisation d’infrastructures ainsi que de projets socio-économiques, en particulier en matière d’assainissement, d’approvisionnement en eau et en électricité, de santé et d’agroalimentaire. Dans ces domaines prioritaires, le Maroc s’attache par ailleurs à développer une stratégie de coopération tripartite, qui consiste à canaliser les fonds d’aide mis à disposition dans le cadre de programmes internationaux pour le financement de projets d’infrastructures ou de développement socio-économique dans un ou plusieurs pays africains et à en confier la maîtrise d’œuvre à des entreprises marocaines (bureaux d’études, entreprises de génie civil, prestataires de services…).

Un regain d’intérêt qui a incontestablement donné un nouveau souffle aux relations avec les pays du sud du Sahara, dans tous les domaines. Les autorités marocaines comptent ainsi créer 6 nouvelles représentations sur le continent d’ici à la fin de 2010 pour renforcer leur dispositif diplomatique, actuellement de 25 ambassades. Sur le plan de la formation, quelque 10 000 étudiants subsahariens, grâce aux bourses de l’Amci, poursuivent chaque année leurs études au sein des universités et écoles du royaume, qui portent et porteront la marocophilie à travers le continent. Sur le plan économique, les échanges se sont accrus et l’heure est à la captation de nouveaux marchés. Dans son rapport sur le développement économique en Afrique paru en juillet dernier, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) classe d’ailleurs le Maroc parmi les vingt premiers investisseurs en Afrique pour la période 2003-2007. Un groupe dans lequel figurent seulement deux pays africains : l’Afrique du Sud et le Maroc. 

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