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Gbagbo – Ouattara : le choc
Ce n’est pas la guerre mais la paix qui a éclaté le 31 octobre en Côte d’Ivoire, à l’issue d’un premier tour exemplaire quant au taux de participation – le plus élevé pour une élection présidentielle pluraliste africaine depuis des décennies – mais aussi admirable d’enthousiasme et de civisme citoyen. Ceux qui avaient fondé leurs prévisions sur une analyse ethnique et la prégnance immuable des trois blocs régionaux – krou, akan, dilua – en ont été pour leurs frais, et il faut s’en réjouir. Sur les trois principaux candidats, c’est le plus « archaïque », le seul à ne pas être sorti de ce schéma périmé, qui se retrouve aujourd’hui éliminé. Henri Konan Bédié a perdu, alors qu’Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, qui tous deux se sont extraits de cette logique pour ratisser en dehors de leur fief identitaire, seront face à face au second tour, le 28 novembre. Si le candidat du Rassemblement des républicains (RDR), qui a longuement chassé sur les terres du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) au point de mécontenter son allié, peut espérer surfer sur une vague montante, c’est à Laurent Gbagbo que l’apparition d’un vote « moderne » – surtout à Abidjan –, transethnique et générationnel, bref d’un « Homo politicus » ivoirien a le plus profité. Normal, dira-t-on : s’il n’avait compté que sur son ethnie d’origine, le président sortant n’aurait pas dépassé les 10 %. Mais qui, en dehors des sondages qu’il a lui-même commandés, pensait il y a six mois que Gbagbo arriverait en tête au soir du 31 octobre ? Pas ses adversaires, encore moins la France.
Dans trois semaines, à l’issue d’une nouvelle campagne que l’on veut croire aussi maîtrisée que celle qui s’est achevée, ce seront deux chefs, deux tempéraments, deux itinéraires mais aussi deux conceptions de la Côte d’Ivoire, de son histoire et de son avenir, que les urnes départageront. À la clé : la naissance d’une vraie démocratie et le retour au premier plan de l’éléphant de l’Afrique de l’Ouest.