Les mauvais résultats des bouquets destinés au Maghreb étaient de notoriété publique. Le 1er mars, Bertrand Meheut, PDG du groupe Canal+, en a tiré les conséquences en annonçant son retrait du Maroc et de l’Algérie. Les abonnements ne sont plus commercialisés depuis janvier et la diffusion cessera fin 2011. L’arrivée d’une offre en Tunisie (Canal+ s’était associé à Slim Chiboub, gendre de l’ex-président Ben Ali, en fuite à Dubaï) est enterrée.
En 2009, la filiale de Vivendi avait pourtant de grandes ambitions. Elle estimait le marché potentiel à près de 13 millions de foyers francophones. Mais les bouquets n’ont jamais décollé, atteignant, selon les estimations, entre 50 000 et 100 000 abonnés, majoritairement en Algérie. Pour Bertrand Meheut, cette contre-performance est due à la fraude. À Casablanca, les vendeurs du quartier Derb Ghallef proposent ainsi des décodeurs pirates pour 100 euros par an quand l’abonnement officiel en vaut plus du double. Canal+ n’a jamais pu obtenir des autorités la coopération nécessaire pour mettre un terme à cette concurrence déloyale. La déception est d’autant plus forte que le groupe avait déjà dû renoncer au marché nord-africain pour les mêmes raisons en 2001.
Mais les spécialistes pointent aussi une mauvaise lecture du marché. « L’offre Canal+ s’est adressée, en raison de son prix [environ 20 euros par mois], à une niche de consommateurs très réduite », explique Asmaa Fahmi, directrice de l’agence MEC Maroc, filiale de Menacom Group. Le bouquet souffre également de la concurrence des chaînes panarabes, qui suscitent un intérêt grandissant. « Le problème tenait à la nature de l’offre. Si les Français regardent TF1, c’est parce que la chaîne leur ressemble », confirme un animateur de télévision marocain. Une analyse partagée, sur le tard, par Canal+ : depuis octobre, son bouquet offre – en plus de programmes événementiels comme La Petite Cuisine d’Abdel, lors du ramadan, ou le Festival international du film de Marrakech – le championnat de football algérien en exclusivité. Trop peu, trop tard, trop cher, ont répondu les téléspectateurs.