Au siège du National Democratic Congress (NDC), à Accra, les larges sourires des partisans de John Atta-Mills font place aux mines grises des lendemains de doute. Le 9 juillet, le chef de l’État a remporté l’investiture du parti pour l’élection présidentielle face à Nana Konadu Agyeman-Rawlings, avec 96,9 % des suffrages. Mais l’heure est au rassemblement. « Nous devons préserver notre unité si nous voulons l’emporter en décembre 2012 », martèle John Dramani Mahama, vice-président du NDC.
Conserver le pouvoir ? Pour John Atta-Mills, 67 ans, battre l’épouse de l’ancien président du Ghana était encore ce qu’il y avait de plus facile. Il sera plus dur d’obtenir le ralliement du vrai cerveau de la fronde au sein du NDC : Jerry Rawlings. Atta-Mills a certes été son vice-président pendant quatre ans, mais à Sunyani (centre-ouest du pays), où s’est déroulé le congrès du parti, Rawlings s’est bien gardé de lui promettre son soutien.
Le « père de la démocratie » ghanéenne et son filleul, autrefois très proches, sont-ils irréconciliables ? Peut-être que non. La preuve en est qu’Ekwow Spio-Grabrah, un proche de Rawlings, a appelé à l’union contre l’opposition. « Le New Patriotic Party [NPP, NDLR] est notre plus grand adversaire », a-t-il déclaré. Mais il n’est pas sûr qu’Atta-Mills attende patiemment que Rawlings se décide. « S’il ne reçoit pas un soutien public et sincère, il va employer une autre méthode et débaucher certains des cadres qui lui sont proches, explique un membre du NDC. Il a les ressources financières pour le faire. Il l’a démontré à Sunyani en obtenant le vote de délégations pourtant favorables à Nana Konadu. »
Délestages
Les électeurs seront plus difficiles à convaincre. Les promesses d’Atta-Mills lors de la campagne électorale qui l’a mené au pouvoir, en janvier 2009, n’ont pas été tenues, et même les plus fidèles renâclent à lui réaffirmer leur soutien. Le développement du pays s’annonce comme une course contre la montre pour un président dont les compatriotes critiquent la nonchalance. Certes, le pétrole coule depuis décembre 2010, mais les nombreuses infrastructures promises dans la région de Takoradi (à l’ouest d’Accra), où se trouve le gisement de brut, ne sont pas sorties de terre. La corruption agace les investisseurs et étouffe les masses. Le taux d’inflation, estimé à près de 17 % par la Banque mondiale, est l’un des plus importants du continent. Les délestages sont réguliers et, hors de la capitale, peu de Ghanéens ont accès à l’eau courante. Hôpitaux, barrage, routes… Plusieurs des projets initiés sous la présidence de John Kufuor (2001-2009) sont en souffrance. Les systèmes de santé, de justice et d’éducation sont défaillants.
Nana Akufo-Addo ne s’y est pas trompé. Maître absolu du NPP, le leader de l’opposition surfe sur les frustrations des Ghanéens et rappelle que « le gouvernement du NDC a échoué à atteindre les résultats escomptés ». Il reste dix-huit mois au « Professeur » pour rassurer les électeurs et les convaincre que ce qu’il n’a pas fait dans son premier mandat, il peut encore l’accomplir. Le compte à rebours a commencé.
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André Silver Konan, envoyé spécial