Algérie – Abdelmadjid Sidi Saïd : « Banaliser la grève la rend inopérante »

Soucieux de conserver sa position d’unique interlocuteur syndical des pouvoirs publics, le secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmadjid Sidi Saïd, se pose en homme de consensus. À la confrontation il dit préférer le dialogue social.

Abdelmadjid Sidi Saïd a un objectif : « obtenir la confiance du gouvernement et du patronat. » © Samir Sid pour Jeune Afrique

Abdelmadjid Sidi Saïd a un objectif : « obtenir la confiance du gouvernement et du patronat. » © Samir Sid pour Jeune Afrique

Publié le 15 novembre 2011 Lecture : 4 minutes.

L’Algérie va-t-elle vraiment changer ?
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L’Algérie va-t-elle vraiment changer ?

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Jeune Afrique : Des changements politiques interviennent en Algérie. Le vent des réformes soufflera-t-il aussi sur le monde syndical ?

Abdelmadjid Sidi Saïd : L’ouverture du monde syndical ne date pas d’aujourd’hui. Elle a débuté en 1990. Le gouvernement de l’époque avait conforté l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) comme unique représentant du monde du travail. En concertation avec feu Abdelhak Benhamouda, notre secrétaire général, nous avions opté, en tant qu’organisation syndicale, pour une réelle ouverture. Donc l’initiative de la pluralité syndicale en Algérie revient à l’UGTA. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas revenir sur un principe dont nous avons été le principal initiateur.

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La véritable réforme ne consisterait-elle pas à faire des syndicats autonomes des interlocuteurs officiels des pouvoirs publics, au même titre que l’UGTA ?

La volonté de travailler collectivement au profit des travailleurs et de l’entreprise doit primer. Depuis 1990, notre organisation a initié le tripartisme (UGTA-gouvernement-patronat) et le bipartisme (UGTA-gouvernement), et à l’avenir, le développement devra se dérouler dans ce sens. Je n’ai jamais ressenti d’animosité envers les autres syndicats. Nombreux ou pas, les syndicats doivent converger vers des actions porteuses. Ils n’ont aucun intérêt à tirer les uns sur les autres.

Aujourd’hui, nous n’avons pas la même approche, car, selon nous, il est possible de parvenir à de bons résultats sur la base du principe de non-confrontation. Le monde a changé, le mouvement syndical aussi. Il faut trouver d’autres techniques d’action syndicale. L’une d’elles consiste à atteindre des objectifs à travers le dialogue social.

Vous avez la réputation de ne jamais perdre de bataille. Mais si l’on dresse le bilan de la dernière tripartite, qui s’est tenue fin septembre, on constate qu’il n’y a pas eu de réelle victoire.

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Cette tripartite était plus ou moins froide, mais elle a permis de franchir un pas énorme. Nous avons fait gagner le consensus entre les partenaires, au profit du monde de l’entreprise. Mon objectif est d’obtenir la confiance du gouvernement et du patronat et non pas de les repousser. Je vais signifier à l’un et à l’autre que nous pouvons aller vers des solutions sur la base de civilités. Car l’épanouissement du travailleur dans l’entreprise, c’est l’épanouissement de l’entreprise.

Je ne suis pas là pour jouer au leader charismatique à la Zapata.

Quel accueil reçoit ce concept ?

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Il ne faut pas se leurrer, j’ai été confronté à beaucoup de blocages. Il y a des réticences. La véritable bataille consiste à arracher l’autre à sa conception négativiste. Je considère que nous ne devons pas gâcher le rapport de force en banalisant la grève. Banaliser l’action de protestation la rend inopérante. Il faut s’engager dans une logique constructive. Je ne suis pas là pour jouer au Zapata, au leader charismatique. J’ai une responsabilité envers les travailleurs et leurs familles.

À la suite de la tripartite, le gouvernement a annoncé la suppression de l’article 87 bis du code du travail. Quel effet cela aura-t-il sur les salaires ?

Permettez-moi avant tout de revenir sur les raisons qui ont conduit à l’introduction de cette disposition dans le code du travail. Lors de la bipartite de janvier 1994, alors que l’Algérie faisait face à des problèmes de financement, il a été décidé de bloquer l’évolution du salaire national minimum garanti (SNMG). Cela s’est fait sur une base consensuelle. Mais il s’agissait d’un réel sacrifice. À partir de là, les négociations sur la hausse du SNMG se déroulaient dans le cadre des bipartites et des tripartites.

Reste que la suppression de l’article 87 bis a toujours été une de nos revendications principales, puisque cette mesure avait été prise à titre transitoire. Depuis la dernière tripartite, nous pouvons dire que le principe de sa suppression est acquis. Il n’y a plus lieu de spéculer sur cette question.

Quand sera-t-il supprimé ?

Nous devons d’abord évaluer les incidences financières, car les salaires augmenteront automatiquement dès l’abrogation de cet article. Il faudra savoir quel sera le coût pour l’État mais aussi pour les entreprises publiques et privées. Un groupe de travail a été chargé de calculer ces incidences financières. Nous passerons ensuite à une autre étape qui consistera à intégrer le nouveau SNMG dans le projet de code du travail. Le texte est en cours d’élaboration.

Concrètement, le gouvernement a-t-il annoncé la date de la présentation du code du travail débarrassé de l’article 87 bis devant le Parlement ?

Le groupe de travail doit prendre son temps. Il ne doit subir aucune pression, ni de la part du gouvernement ni du patronat.

Cela risque de durer longtemps…

Si nous travaillons correctement, il pourra être intégré dans le processus de réformes politiques. Peut-être au cours de l’année 2012. Nous ne devons pas confondre vitesse et précipitation. Nous devons aller vers un code du travail qui réponde également à des exigences d’ordre international.

Ne craignez-vous pas d’être confrontés à l’impatience des travailleurs ?

Non. Ils sont tranquillisés, le principe de la suppression de cette mesure étant acquis. Et ils doivent rester sereins, car la hausse de salaire sera conséquente. Dans certains cas, elle atteindra 45 %. 

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Propos recueillis à Alger par Ahmed Bey

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