QUESTION : Pouvez-vous nous indiquer les principales étapes de votre carrière ?
REPONSE : Je suis entré à Saint-Cyr en 1965 et j’ai fait une dizaine d’années dans les armes. Puis, pendant sept ans, de 1976 à 1983, j’ai travaillé au SDECE puis à la DGSE. J’ai ensuite rejoint l’état-major des armées avant de prendre un poste d’attaché de défense en Turquie de 1988 à 1991. J’ai ensuite été affecté au Sahara Occidental pour le compte de l’ONU. J’ai ensuite été nommé à Alger à l’été 1995 et jusqu’en septembre 1998 en qualité d’attaché de défense. En septembre 1998, je me suis retrouvé au cabinet du ministre de l’Outre-Mer. J’étais le chef de cabinet militaire de Jean-Jacques QUEYRANNE jusqu’en octobre 2000. Comme je suis à la 2ème Section, je fais encore des conférences et j’ai également été nommé en 2001 en qualité de juge assesseur à la CNDA qui est une cour administrative d’appel spécialisée dans les demandes d’asile.
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QUESTION : Quand et comment avez-vous appris qu’il n’y avait que les têtes dans les cercueils ?
REPONSE: Je pense que l’on en arrive à la raison de ma demande d’audition. C’est difficile pour moi car c’est une chose dont on m’a demandé de ne pas parler. J’en avais parlé au père VEILLEUX, à Monseigneur TEISSIER et à l’ambassadeur. Pour que vous compreniez, j’ai eu des liens d’amitié avec divers officiers algériens qui avaient fait leur formation à Saint-Cyr et c’est ainsi que j’ai connu une personne dont je préfère ne pas vous dire le nom car il est possible que son frère soit encore en Algérie. Cette personne avait donc fait une carrière d’officier et puis il était devenu chef d’entreprise en Algérie. Il exploitait une maison de cars et je le voyais souvent. C’était un ami. Quelques jours après les obsèques des moines, il m’a fait part d’une confidence de son frère. Son frère commandait l’une des deux escadrilles d’hélicoptères affectées à la 1ère région militaire dont le siège était à Blida. Son frère pilotait l’un des deux hélicoptères lors d’une mission dans l’Atlas blidéen entre Blida et Medea . C’était donc une zone vidée et les hélicoptères ont vu un bivouac. Comme cette zone était vidée ça ne pouvait être qu’un groupe armé. Ils ont donc tiré sur le bivouac. Ils se sont ensuite posés, ce qui était assez courageux car il y aurait pu y avoir des survivants .Ils ont pris des risques. Une fois posés, ils ont découvert qu’ils avaient tiré notamment sur les moines. Les corps des moines étaient criblés de balles. Ils ont prévenu par radio le CTRI de Blida.
QUESTION : Avez-vous eu d’autres détails de la part de votre ami sur ce que lui a dit son frère ?
REPONSE : Je ne vois pas d’autre détail. En revanche, pour répondre à votre question sur la façon dont j’ai appris que nous n’avions que les têtes des moines, je précise que j’ai rencontré après les obsèques, le médecin du renfort de gendarmerie attaché à l’ambassade de France dont j’ai oublié le nom. Il avait beaucoup de mal à me parler l’ambassadeur lui avait fait promettre le silence. Je lui ai demandé s’il avait vu les corps puisque mon ami m’avait dit qu’ils étaient criblés de balles, et c’est là qu’il m’a dit qu’il n’y avait pas les têtes.
QUESTION : Que vous a-t-il dit sur les têtes ?
REPONSE : Il m’a dit que les têtes avaient séjourné longtemps dans la terre, que c’était épouvantable. Il ne m’a pas parlé d’impacts de balles dans les têtes.
QUESTION : Le père VEILLEUX vous a-t-il dit qu’il avait insisté pour faire ouvrir les cercueils et que lui-même avait vu qu’il n’y avait que les têtes ?
REPONSE : Je ne m’en souviens pas. Je me souviens qu’il ne comprenait pas l’attitude de Monseigneur TEISSIER. Monseigneur TEISSIER adoptait totalement la thèse officielle.