« J’écarterai désormais la menace d’un coup d’État. (…) Le pays est à peu près stable maintenant. » L’avis de Bayo Okunade, professeur de sciences politiques à l’université d’Ibadan (Sud-Ouest), est à l’image de celui de la plupart des observateurs nigérians. Selon eux, le pays, plongé dans une profonde instabilité après le départ à l’étranger du chef de l’État pour raisons de santé, en novembre 2009, se dirige vers un certain apaisement. « On ne peut pas comparer la situation politique actuelle à celle d’il y a trois mois, souligne Bayo Okunade. Ce fut un épisode très sombre. »
À cette époque, le 23 novembre 2009, Umaru Yar’Adua avait été hospitalisé d’urgence en Arabie Saoudite. Devant son absence prolongée – Yar’Adua est rentré au Nigeria le 24 février, sans pour autant réapparaître en public -, le Parlement avait nommé, début février 2010, un président par intérim en la personne de Goodluck Jonathan, le vice-président. Depuis son arrivée au pouvoir, celui-ci a eu du mal à trouver sa place.
Mais, malgré la résistance de proches de Yar’Adua, Jonathan est désormais bien aux commandes. Après s’être doté de nouveaux conseillers et d’un nouveau gouvernement, début avril, il a été l’hôte, cette semaine, du président Barack Obama à Washington lors du sommet sur le nucléaire, pour son premier séjour à l’étranger comme président intérimaire.
« Les militaires ne tenteront rien maintenant »
Plusieurs analystes estiment que le Nigeria, dirigé par des juntes successives jusqu’en 1999, a failli connaître un nouveau coup d’État militaire. Selon Marc-Antoine Pérouse de Montclos, spécialiste du Nigeria à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), la probabilité d’un coup d’État avait « pas mal augmenté ces temps-ci ». Ces dernières semaines, le risque a « diminué » mais « cela n’est pas exclu » pour autant, estime-t-il.
Un avis que réfute le général de division à la retraite Ishola Williams : « L’armée est l’une des institutions les mieux équilibrées ethniquement. Chaque groupe ethnique y est représenté. Alors, pour qu’il y ait consensus afin de mener un coup d’État, il faudrait que la situation soit réellement mauvaise. Cela n’est pas le cas. Les militaires ne tenteront rien maintenant », assure celui qui est également ex-président de Transparency International Nigeria.
Le prochain défi pour le géant africain, grande puissance pétrolière, semble donc désormais la marche vers le scrutin présidentiel de 2011, avec son lot d’intrigues politiques et ses multiples enjeux. « Le test aura lieu à l’approche des élections », estime M. Williams. Pour lui, Goodluck Jonathan devra prouver sa capacité à mettre en œuvre les réformes électorales tant attendues pour un scrutin présidentiel libre et à lutter contre la corruption, un fléau de taille. Sa faculté à consolider une fragile accalmie dans le Sud pétrolifère sera aussi décisive. Les violences reprennent dans cette zone-clé, alors que le Nigeria a aussi été secoué récemment par des violences ethnico-religieuses meurtrières dans la région de Jos (centre). (avec AFP)