L’expression est sur toutes les lèvres : aujourd’hui 16 décembre, c’est la journée « de tous les dangers » en Côte d’ivoire. Le camp du président élu Alassane Ouattara a appelé ses partisans à marcher ce jeudi sur la RTI (télévision publique) pour y installer son nouveau directeur général, Pascal Brou Aka, et vendredi sur la Primature pour que le Premier ministre Guillaume Soro et le gouvernement intègrent leurs bureaux. Objectif : sortir de l’hôtel du Golf, où ils ont trouvé refuge après le coup d’État institutionnel du président sortant Laurent Gbagbo.
Face à eux, ce dernier n’est pas près de les laisser faire, quitte à user de la violence. Mais le général Philippe Mangou, chef des militaires fidèles au président du Front populaire ivoirien (FPI), a prévenu : il tiendra le représentant spécial de l’ONU en Côte d’Ivoire, Choi Young-jin, pour « responsable des conséquences imprévisibles qui pourraient résulter de ces actions projetées » – c’est à dire les marches du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Mangou considère que Choi appuie les manœuvres du RHDP, des accusations aussitôt qualifiées de « fausses, injustes et infondées » par l’intéressé.
Blé Goudé « prêt à mourir »
Preuve que le camp Gbagbo s’accroche au pouvoir et ne se laissera pas même un président démocratiquement élu (avec 54,1 % des voix) l’en dépouiller, le nouveau ministre de la Jeunesse et de l’Emploi, Charles Blé Goudé, chef des « patriotes » de sinistre réputation, entièrement dévoués au président sortant, vient de sortir les griffes. Elles sont connues : il s’agit de rendre l’étranger (africain, français ou tout membre de la communauté internationale) responsable de tous les maux de la Côte d’Ivoire.
Pour lui, Paris et Choi Young-jin, veulent « déstabiliser » son pays. « Ils [les militants de Ouattara] ont l’ONU et la France […] nous avons notre détermination avec nous, quelque soit l’armée la plus puissante, elle sera vaincue », a-t-il affirmé, alors même que la France n’a « aucune intention d’intervenir militairement », a déclaré mercredi le ministre de la Défense, Alain Juppé. « Je ne suis plus prêt à tolérer des vampires prêts à boire le sang des Ivoiriens. Je vais agir bientôt », a fini par lancer Blé Goudé à quelque 3 000 jeunes. Avant de conclure : « Nous voulons vivre pour voir notre pays se développer, mais nous sommes aussi prêts à mourir pour que cette cause puisse se réaliser. »
Une phrase qui a trouvé écho du côté d’Augustin Mian, le responsable de la puissante Fédération estudiantine de Côte d’Ivoire (Fesci), pro-Gbagbo. Celui-ci a déclaré que les membres de son organisation étaient « prêts à donner leur vie pour sauver leur nation contre une nouvelle race d’impérialistes ».
Crainte d’un « retour à la guerre civile » pour l’ONU
Des sorties pour le moins menaçantes qui font craindre un retour au chaos en Côte d’Ivoire. À Yamoussoukro (centre), des sympathisants de M. Ouattara ont tenté de défiler mercredi, mais en ont été empêchés par les forces fidèles à Gbagbo. Plusieurs manifestants ont été blessés par balles, selon les initiateurs de la marche, des témoins et une source hospitalière. « La situation prend une tournure inquiétante en raison des événements qui se déroulent actuellement et qui pourraient aboutir à une violence généralisée », a souligné le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, cité par un porte-parole.
Ban « lance son appel à toutes les parties ivoiriennes ainsi qu’à leurs sympathisants pour qu’ils fassent preuve de patience et s’abstiennent de toute action qui puisse, de manière accidentelle ou délibérée, mener à la violence », poursuit le porte-parole. Avec toutes les précautions requises, il souligne enfin « le fait que, dans un climat politique actuel aussi tendu, de telles actions pourraient avoir des conséquences imprévisibles, y compris le retour à la guerre civile ».
Le chef des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Alain LeRoy, a indiqué que le Conseil de sécurité procéderait à un vote la semaine prochaine sur l’extension du mandat des forces de l’Onuci pour un an. Il a également précisé que ce n’était pas la mission des troupes de l’ONU de protéger les gens prenant part à des marches. « Mais si nous avons le pire des scénarios et qu’il y a des affrontements, l’Onuci sera là pour protéger autant de civils que possible », conclut-il. (Avec AFP)