Présidentielle camerounaise : vers la contestation des résultats ?

L’élection présidentielle camerounaise s’est déroulée dans un climat électrique. De nombreux témoignages mettent en avant des cas de bourrages d’urnes présumés ou d’irrégularités flagrantes. Dans certains bureaux, le vote a commencé avec beaucoup de retard tandis que dans d’autres, le dépouillement débutait avant même la fermeture des opérations de vote, à 18 heures. Reportage.

Malgré la surveillance du scrutin, de nombreuses irrégularités sont dénoncées par l’opposition. © Seyllou Diallo/AFP

Malgré la surveillance du scrutin, de nombreuses irrégularités sont dénoncées par l’opposition. © Seyllou Diallo/AFP

Publié le 10 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

Présidentielle camerounaise : Paul Biya, jusqu’à quand ?
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Présidentielle camerounaise : Paul Biya, jusqu’à quand ?

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À Yaoundé, les staffs des candidats à l’élection présidentielle se sont rués sur le terrain. Que ce soit au siège du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) de Paul Biya, à celui du Cameroun’s people party (CPP) d’Edith Kabang Walla ou celui du Social Democratic Front (SDF) de John Fru Ndi, hier, en fin de journée, on ne comptait pas grand monde. Tous ou presque étaient dans les bureaux de vote.

Comme par exemple dans le VIe arrondissement de Yaoundé, à Biyem Assi. Avant la fermeture des bureaux à 18 heures, on procède déjà au dépouillement des bulletins dans une atmosphère surréaliste. Sans électricité, dans la quasi obscurité, un citoyen camerounais sort les bulletins et annonce : « Paul Biya, Paul Biya, Paul Biya ». Et, de temps en temps : « Kah Wallah » ou « John Fru Ndi ».

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À l’extérieur, l’énervement est palpable parmi la population venue assister à la scène. « Ça y est, on sait que ça va encore être sept ans de souffrance ! » tempête un homme. Présent sur place, le secrétaire provincial du SDF, Célestin Atanga accuse : « Certaines personnes ont voté plusieurs fois ! » Un homme ajoute : « Tout à l’heure, des membres du RDPC sont arrivés et proposaient d’aller revoter pour Paul Biya contre 5000 F CFA (environ 7 euros 50) » Un policier se mêle à la conversation et menace : « Vous ne pouvez pas dire ça, c’est une question de sécurité nationale ! »

"Tout ça, c’est du folklore !"

À Bastos, dans le quartier diplomatique, vers midi, l’ambiance est plus solennelle. Garde présidentielle, police et gendarmerie sont déployées pour protéger le président qui vient voter dans une école publique. À sa sortie, Paul Biya est applaudi par une centaine de partisans. Face à ce spectacle, Martial ne peut retenir sa colère : « Tout ça, c’est du folklore, le système électoral est verrouillé, rien ne va dans ce pays, il faut le dire, les Camerounais ont peur de mourir donc ils ne parlent pas mais moi je ne crains pas de mourir pour défendre mes idées. Trop c’est trop, tout ça va changer ! »

Ce diplômé de 32 ans assure qu’il n’a pas pu voter pour Kah Wallah. D’après lui, sur la liste d’émargement, face à son nom, il y avait déjà une croix. Muni de son récépissé d’inscription sur les listes électorales, il n’aurait pas réussi à retirer sa carte d’électeur.

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Autres bizarreries : à Douala comme à Yaoundé, des bureaux de vote ont ouvert avec plusieurs heures de retard. En outre, les superviseurs  et les scrutateurs du CPP auraient assisté à des irrégularités. « Au quartier Manguiers, le président d’un bureau de vote s’est dit fatigué et a invité tout le monde à sortir sauf des membres du RDPC. Pendant 15 minutes, ils ont eu tout le temps de bourrer l’urne », affirme l’huissier maître Mama Venant. Et le coordonnateur régional de la région Centre, William Ango, d’ajouter : « Si les irrégularités sont avérées, on ira au contentieux électoral. » Par téléphone, depuis Douala, Kah Wallah assurait que certains électeurs n’étaient pas identifiés et que l’encre mise sur le pouce après le vote, censée être indélébile, s’effaçait après nettoyage…

Le RDPC serein

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Face à de probables irrégularités, le RDPC affichait sa sérénité. « Ce n’est pas quelque chose de fondamental, il faut restituer les choses dans leur contexte : les partis d’opposition et certaines organisations internationales ont souhaité que le ministère de l’administration territoriale n’organise pas les élections, ce qui a été fait avec le lancement d’un organe indépendant, Elecam. S’il y a des irrégularités, à chacun de prendre ses responsabilités », se défend Pierre Moukoko Mbondjo, secrétaire adjoint à la communication du parti au pouvoir.

Il y a donc de fortes chances pour que la proclamation des résultats, dont on ne connaît pas encore la date, débouche sur un vif contentieux électoral. Hier soir, Transparency International Cameroun, chargé par l’Union européenne d’observer le déroulement du scrutin, n’était pas encore en mesure de fournir le bilan de son travail dans les bureaux de vote.

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