Tunisie – Kaïs Saïed : « Toutes les hypothèses sont permises avec l’Assemblée constituante »

Professeur à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, Kaïs Saïed est l’un des constitutionnalistes les plus chevronnés de Tunisie. Il évoque ici les premiers pas et les prérogatives de l’Assemblée nationale constituante, élue le 23 octobre. Interview.

Kaïs Saïed : « Les membres de la Constituante ont rendez-vous avec l’Histoire. » © D.R.

Kaïs Saïed : « Les membres de la Constituante ont rendez-vous avec l’Histoire. » © D.R.

Publié le 26 octobre 2011 Lecture : 2 minutes.

Jeuneafrique.com : Que va-t-il se passer, maintenant que l’Assemblée nationale constituante (ANC) est élue ?

Kaïs Saïed : À sa première réunion, elle va élaborer un règlement intérieur. C’est important parce que cela déterminera des points comme, par exemple, le type de majorité requise pour voter certains textes. L’ANC doit ensuite définir l’organisation des pouvoirs publics pour la période transitoire. Notamment le mode d’élection du président de la République et ses attributions, le choix du Premier ministre par le président ou par l’ANC, et les rapports entre le président et le Premier ministre.

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Quels sont les pouvoirs de l’ANC ?

En dehors de la rédaction de la Constitution, elle pourra définir les domaines de compétence du gouvernement de transition et les siens propres (voter le budget, ratifier les accords internationaux…). Ce sont là des choix politiques dont les enjeux sont importants. En tout cas, tout dépendra de l’ANC, institution légitime parce que élue. Par ailleurs, elle pourra aussi se prononcer sur les moyens de contrôle du gouvernement, qui peuvent aller jusqu’à la motion de censure ou la destitution du chef de l’État en cours de route. Toutes les hypothèses sont permises.

La majorité des Tunisiens n’a rien à voir avec cette bipolarisation fictive entre islamistes-modernistes.

Des pôles sont apparus lors de la campagne électorale. Comment les définiriez-vous ?

Ce sont des divisions artificielles qui ne traduisent pas la réalité de la société tunisienne. La majorité des Tunisiens n’a rien à voir avec cette bipolarisation fictive [islamistes-modernistes, NDLR]. C’est une séparation dépassée. Il n’y a aucune raison de continuer à diviser l’élite politique.

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Pensez vous que le délai d’un an va être tenu pour préparer une Constitution ?

C’est à l’ANC de fixer les délais en prenant en considération les attentes du peuple. La Constitution peut être prête dans quelques mois si les membres de l’ANC placent l’intérêt de la Tunisie au-dessus de leur propre intérêt, et gardent à l’esprit qu’ils ont un rendez-vous à ne pas manquer avec l’Histoire.

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Certains partis font campagne pour modifier l’article 1 de l’ancienne Constitution, qui proclame : « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain : sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la république. »  Qu’en pensez-vous ?

Si on perd du temps à discuter cet article, les risques d’enlisement sont grands. Même s’il est un peu ambigu, chaque tendance devrait trouver son compte dans cette ambiguïté. Après tout, la Tunisie s’en est accommodé pendant plus d’un demi siècle. D’ailleurs, pour une grande partie de la population, les questions de l’identité et de la religion ne se posent même pas, en tout cas pas dans les termes utilisés par certains partis politiques.

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Propos recueillis à Tunis par Abdelaziz Barrouhi

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