Présidentielle en RDC : la voie des jeunes Congolais

Comment les jeunes Congolais vivent-ils les élections présidentielles et législatives en RDC ? Pour qui votent-ils ? Peuvent-ils exprimer publiquement leurs opinions sans prendre le risque de perdre leur job ? Que pensent-ils des violences politiques ? Éléments de réponses à Kinshasa avec les principaux intéressés.

Un bureau de vote à Kinshasa le 28 novembre 2011. © Reuters

Un bureau de vote à Kinshasa le 28 novembre 2011. © Reuters

Publié le 28 novembre 2011 Lecture : 2 minutes.

Présidentielle et législatives 2011 en RDC
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Présidentielle et législatives 2011 en RDC

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Marcel, 21 ans, a tout perdu à cause de ses préférences politiques. Le 28 octobre, premier jour de campagne pour les élections présidentielle et législatives en RDC, des jeunes sont arrivés dans le magasin de Kinshasa qui l’employait. « C’était des militants pro-Adam Bombole », candidat indépendant à la magistrature suprême récemment radié du  Mouvement de libération du Congo (MLC). Selon Marcel, ils recherchaient la confrontation avec des sympathisants du chef de l’État Joseph Kabila, élu en 2006 face au leader du MLC Jean-Pierre Bemba, actuellement détenu et jugé à la Haye.

« Mon patron a dit qu’il était pour Étienne Tshisekedi, qu’il n’y avait pas de gens proches de Kabila chez lui, et que s’il y en avait ils devaient sortir ». Peu après, Marcel s’entretient avec son employeur : « J’ai dit que j’étais pour Kabila et il m’a dit de partir », confie-t-il.  S’il regrette sa franchise ? Non, affirme-t-il. Cependant, parce qu’il a besoin de travailler, dimanche dernier, il tente d’arranger la situation :  « Je lui ai demandé pardon. Il m’a répondu qu’il n’avait pas de problème avec moi, que je devais rentrer et qu’il allait m’appeler cette semaine. Mais jusqu’à présent rien, j’attends toujours à la maison. »

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Étudiants déçus

Olivier est quant à lui un pro-Tshisekedi assumé. « Kabila avait promis de construire des routes, des logements, de bien encadrer les jeunes, mais il n’a rien fait ! » Le jeune homme de 19 ans déplore en particulier les tarifs élevés pour étudier. « Kabila avait aussi promis les études gratuites, mais dans les faits rien n’a changé, elles restent trop chères ! Je voulais devenir médecin, mais c’est 500 dollars par an. Comme je n’en n’avais pas les moyens, je me suis inscrit à l’Institut supérieur de commerce, qui coûte 275 dollars par an », ajoute-t-il. Son jugement est sans appel, pour lui « le bilan du président sortant est totalement négatif ! »

Il votera donc pour Étienne Tshisekedi, l’opposant historique dont il entend par ailleurs parler depuis son plus jeune âge. « Mon père m’a raconté comment Tshisekedi a lutté contre la dictature au temps de Mobutu, et comment il se bat encore aujourd’hui. Il est du côté du peuple et avec lui il n’y aura pas de corruption à tous les niveaux. Et comme il a promis de créer des emplois pour nos parents, nous pourrons alors étudier », résume Olivier.

"Sheges" et "kulunas"

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Que pense-t-il de la conduite controversée de Tshisekedi, condamné sur la scène internationale pour ses « appels à la violence » ? « J’ai jugé ça bon parce que les droits de l’homme ne sont pas respectés », dit-il avec vigueur, avant d’accuser « les politiques de prendre des "shegues" (enfants de la rue, NDLR) pour leur donner des armes et lutter contre la population ». Des associations des droits humains précisent quant à elles que des délinquants, appelés « kulunas », sont recrutés pour violenter des manifestants.

Un état de fait conforté par les récentes déclarations du 10 novembre du cardinal Laurent Monsengwo Pasinya : « C’est dommage qu’on se serve des jeunes et spécialement des kulunas pour molester des gens et gêner les autres. (…) Je dénonce de nouveau le fait malheureux que des adultes puissent se servir des enfants de la rue pour pouvoir atteindre leurs fins. C’est exactement comme ceux qui se sont servis des enfants-soldats ».

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par Awa Diallo, à Kinshasa

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