Menaces. Intimidations. Peur inavouée sans doute. Tel est le quotidien de l’avocate camerounaise, Alice Nkom, en lutte depuis plus de dix ans pour le droit des minorités sexuelles au Cameroun. « Les menaces ont dépassé le cadre personnel » explique-t-elle, interrogée par Jeune Afrique, « pour atteindre le cercle familial ». Son collègue, Michel Togué, également engagé dans la défense des homosexuels, a ainsi été contraint d’exiler sa famille, menacée, vers les États-Unis, avant de revenir au pays pour continuer la lutte.
Alice Nkom : "Qu’on ne vienne pas me dire que… par Jeuneafriquetv
Interview d’Alice NKom
Un combat où chaque victoire a pour effet de faire monter un peu plus la pression. Ainsi, lorsque, le 7 janvier 2013, Jonas et Franky sont acquittés par la justice camerounaise, il suffit de quelques heures pour qu’ils soient à nouveau lynchés et pratiquement laissés pour mort, en pleine rue. Libres, mais toujours en danger, ils ont même fait l’objet d’un appel du Procureur, fin mars, qui a eu pour effet de renvoyer l’affaire devant la Cour suprême du Cameroun.
Vers une dépénalisation ?
Un demi-échec pour une potentielle grande victoire. Car, si la Cour venait à trancher, dans quelques mois, en faveur des deux Camerounais, elle validerait du même coup le principe de la supériorité du droit des minorités sexuelles sur la législation nationale, qui condamne l’homosexualité. « Nous pensons sincèrement que nous avons l’occasion de voir dépénaliser l’homosexualité par voie judiciaire et non par volonté politique », explique ainsi Me Nkom.
Et d’ajouter : « le Cameroun défend la vie privée dans les foyers de ses citoyens, il n’a jamais été dit « tous les foyers sauf ceux des homosexuels » ». Franky, Jonas, Roger Mbédé et, derrière eux, toute la communauté homosexuelle camerounaise, seront sans doute suspendus à la décision de la Cour. L’enjeu est non seulement personnel mais également historique. Ce jugement pourrait permettre au Cameroun de quitter le cercle, de plus en plus réduit, des pays pénalisant l’homosexualité.
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Mathieu Olivier