Joseph Kabila briguera-t-il un troisième mandat en 2016 ? En l’état actuel de la Constitution de la RDC, la réponse paraît négative. « Le nombre et la durée des mandats du président de la République [cinq ans, renouvelable une seule fois, NDRL] ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle », dit le texte. Pas évident que les proches de Joseph Kabila, réélu en 2011, l’entendent de cette oreille.
« Depuis quelques temps, les manœuvres se concoctent dans les officines des partis politiques » pour faire émerger l’hypothèse d’une révision de la Constitution pouvant permettre à Joseph Kabila de se représenter en 2016, croit savoir Jean-Claude Katende, président national de l’Association africaine des droits de l’homme (Asadho). Un sentiment partagé par la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) qui s’était déjà prononcée début février contre « toute tentative de modification de l’article 220 » qui limite à deux le nombre de mandat du chef de l’État.
Mais avec la parution, à la mi-juin, de son dernier livre, Entre la révision constitutionnelle et l’inanition de la nation (Éd. Larcier, 444 pages), Évariste Boshab, secrétaire général du parti présidentiel, a relancé le débat. « Il s’est prononcé en sa qualité de chercheur, constitutionnaliste de surcroît et chef de département de droit public à l’Université de Kinshasa. Pas avec sa casquette de responsable politique », tente de nuancer un membre de son entourage. « Après tout, on ne peut pas empêcher un Congolais de réflechir sur l’avenir de son pays », ajoute un autre, qui préfère cependant ne pas être nommé.
Appel à la vigilance
Félicien Mwanama (Cenco) : "Toucher à la limitation du nombre et de la durée des mandats du président de la République risquerait de porter un coup dur à la cohésion nationale."
Une démarche que la Cenco ne voit décidément pas d’un bon œil. Réunis en plénière fin juin à Kinshasa, les évêques congolais ont vite tiré la sonnette d’alarme. Les « fidèles [catholiques] et [les] hommes de bonne volonté [doivent] demeurer vigilants et prêts à faire échec à toute manœuvre éventuelle de modification de la Constitution en ses articles verrouillés », lancent-ils dans un communiqué de presse. Car, « toucher à la limitation du nombre et de la durée des mandats du président de la République, consacrée dans la loi fondamentale pour garantir l’alternance politique, risquerait de porter un coup dur à la cohésion nationale et à la stabilité politique », commente l’abbé Félicien Mwanama, secrétaire général adjoint de la Conférence épiscopale.
Même mise en garde du côté de l’opposition. Le pouvoir en place devra d’abord « marcher sur les cadavres des Congolais » avant de procéder à la révision de la Constitution, menace Vital Kamerhe, leader de l’Union pour la nation congolaise (UNC).
« C’est un procès d’intention », rétorque Sébastien Lusanga, porte-parole de la Majorité présidentielle (MP). « Pour l’heure, la question de la révision constitutionnelle n’a pas été discutée ni au PPRD [parti politique de Joseph Kabila, NDRL] ni à la MP. C’est simplement un citoyen congolais qui a décidé de dire tout haut ce qu’il pense », explique-t-il, soulignant toutefois que « toutes les Constitutions du monde, même les plus vieilles, sont sujettes à des révisions pour les adapter aux circonstances du moment ».
L’argumentaire ne passe pas à l’Asadho. Son président, Jean-Claude Katende prépare déjà une lettre ouverte pour appeler les jeunes congolais à s’opposer à toute initiative visant la modification du nombre des mandats du chef de l’État en RDC. « C’est justement pour préserver les principes démocratiques contre les aléas de la politique et les révisions intempestives que certaines dispositions constitutionnelles ont été verrouillées », rappelle-t-il.
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Par Trésor Kibangula