Racisme : les insultes envers Christiane Taubira, grave dérive de la société française

La ministre française de la Justice, Christiane Taubira, a été une nouvelle fois la cible de propos racistes, vendredi. Une enfant de douze ans lui a proposé une « banane », la traitant de « guenon ». « Sans importance », a rétorqué, lundi, la garde des Sceaux, qui s’inquiète tout de même d’une dérive « inquiétante » de la société française.

Christiane Taubira, la ministre de la Justice française, d’origine guyanaise. © AFP

Christiane Taubira, la ministre de la Justice française, d’origine guyanaise. © AFP

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Publié le 29 octobre 2013 Lecture : 3 minutes.

Voilà bientôt six mois que le mariage pour tous a été autorisé en France. Et, si la société française ne s’est visiblement pas effondrée sur elle-même comme le pronostiquaient les détracteurs de la loi, ceux-ci n’ont pas tous enterré la hâche de guerre. Charriant toujours avec eux un certain nombre de propos nauséabonds.

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Vendredi 25 octobre, à Angers, à l’occasion de la visite de Christiane Taubira à Angers, une centaine de manifestants du collectif "La manif’ pour tous" ont entrepris de chahuter la ministre, à grands renforts de mégaphones et de sifflets. Et, sous les fenêtres du tribunal, où la Garde des Sceaux prononçait un discours, c’est une fillette de douze ans qui aura finalement fait le plus de bruit, agitant une banane, devant des parents ricanant, et criant "C’est pour qui la banane ? C’est pour la guenon !"

"Insultes, injures, menaces"

Une attitude anecdotique, sans doute, de la part d’une "gamine", comme la qualifie un journaliste de Ouest France, témoin de la scène. Mais elle l’est un peu moins, c’est bien le problème, si l’on se réfère aux adultes qui l’entouraient. D’où cette réaction, lundi 28 octobre, de la ministre de la Justice : " Très franchement, sur ma personne, c’est absolument sans importance. Ce qui me paraît extrêmement grave, c’est qu’il y a des personnes, de plus en plus, qui s’affranchissent des obligations dans un État de droit, à savoir de respecter la loi, (…) et qui profèrent des insultes, des injures, des menaces. […]"

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Prise pour cible quelques jours plus tôt par une élue du Front national (FN), Anne-Sophie Leclere, auteure d’un photomontage la comparant – c’est désormais une habitude -, à une guenon, Christiane Taubira est loin d’être un cas isolé. Elle n’est, au fond, que la victime la plus médiatique, à l’instar de Cécile Kyenge en Italie, de ce qu’on qualifie, sans doute à tort étant donné leur fréquence, de "dérapages" racistes.

Tous coupables ?

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Selon un récent sondage de l’organisme OpinionWay, publié début octobre, 59 % des Français estiment que le racisme a plutôt augmenté au cours de ces trente dernières années, en particulier à l’encontre des populations musulmanes ou d’origine maghrébine. Si, dans le même sondage, les personnes interrogées considèrent que les personnes noires vivent mieux en France qu’il y a trois décennies, l’heure n’est clairement pas l’optimisme.

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D’abord, parce qu’à droite, les dirigeants politiques s’inspirent de plus en plus souvent du programme et des "petites phrases" de l’extrême-droite. Ensuite, parce que, à gauche, la peur de faire monter le Front national semble paralyser les politiques, qui préfèrent éviter le sujet. Enfin, parce que le paysage médiatique, en France et en Europe, a perdu un certain nombre de garde-fous en termes de valeurs morales. Le 24 octobre, l’Union européenne a ainsi adressé une lettre aux rédactions des titres de presse français, dénonçant "une couverture irresponsable des questions roms". Celle-ci évoque "un problème persistant de la présentation négative des minorités", ajoutant "l’expérience nous montre que la diabolisation d’un groupe de personnes dans les médias peut avoir des conséquences politiques et sociétales catastrophiques".

"Ça me paraît extrêmement inquiétant pour la société", avouait Christiane Taubira, lundi. On ne peut, malheureusement, que lui donner raison.

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Par Mathieu OLIVIER

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