Au Front national, on ose tout. Jeudi 31 octobre, la présidente du parti d’extrême-droite, Marine Le Pen, a réagi à la libération des quatre otages français mardi, en y allant de sa petite provocation subliminale. "Ces images m’ont laissée dubitative", explique, sans rire, la fille de Jean-Marie Le Pen, au micro de la radio Europe 1. "Je vous le dis très sincèrement. J’ai trouvé cette extrême réserve [des otages, NDLR] étonnante, j’ai trouvé leur habillement étonnant, j’ai ressenti un malaise en voyant ces images, je pense que je n’ai pas été la seule", poursuit-elle avant de s’expliquer, à la demande de son interlocuteur.
"C’est ce qu’ont ressenti beaucoup de Français", extrapole-t-elle, avant de porter le coup de grâce à la décence qui devrait guider chaque commentaire portant sur la libération des quatre otages retenus pendant trois longues années dans le désert. "On avait l’impression d’avoir des images d’hommes qui étaient très réservés, c’est le moins qu’on puisse dire, les deux qui portaient la barbe taillée d’une manière assez étonnante, l’habillement était étrange". Et de conclure : "Cet otage avec le chèche sur le visage… Tout ça mérite quelques explications de leur part".
L’art du sous-entendu pervers. La barbe, un chèche (qui n’est, rappelons-le, qu’un foulard pour se protéger du soleil et de la poussière portée par le vent sec du désert) : il n’en fallait pas plus pour éveiller les soupçons de la protectrice auto-proclamée de "beaucoup de Français" – qui n’existent, on l’espère, que dans son imagination paranoïaque.
La réalité dépasse la fiction
Sans doute Marine Le Pen a-t-elle abusé de la série américaine Homeland, dans lequel un soldat américain détenu en Irak est "retourné" par une organisation terroriste pour commettre un attentat sur le sol des États-Unis. "Je n’irai pas jusqu’à faire des théories parce que je ne serais pas dans mon rôle", a fini par éluder la députée européenne, avant de faire marche arrière, en quelque sorte, quelques heures plus tard. "Manifestement, je me suis exprimée de manière maladroite puisqu’il ne s’agissait en aucun cas dans mon esprit, d’émettre la moindre critique à l’égard des otages [dont] je me réjouis de la libération".
Mais ces larmes de crocodile ne devraient pas convaincre grand monde, tant la présidente du Front national est allée loin, sur le chemin de la suggestion malsaine et populiste, dans l’outrage aux otages libérés et à leurs familles. Fallait-il ne pas réagir à cette énième provocation xénophobe et anxiogène, au risque de laisser le discours de l’extrême droite se banaliser ?
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Par Mathieu OLIVIER